La poésie est-elle dangereuse ? Elle l’est certes pour les poètes ainsi que je l’écrivais dans un autre article à l’occasion de la parution du livre de Jean-Pierre Siméon, La poésie sauvera le monde. Remarquons par ailleurs, combien les médias préfèrent leur eau tiède et ce qu’il faut d’informations bien dosées plutôt que de mettre en avant la parole des poètes quand elle va au cœur des interrogations et des souffrances humaines. Ils vont à l’émotion, au ludique quand elle va à la fusion des mots et de la vie.
La poésie n’est pas un rêve. Elle n’est pas une illustration enjolivée de la réalité, elle n’est pas un effluve parfumé de sensations, elle n’est pas la mise en forme d’un ressenti, d’une perception ou d’une réflexion. Elle est la mise à nu de celui qui écrit le monde.
Robert Desnos
Terre
Un jour après un jour,
Une vague après une vague.
Où vas-tu ? Où allez-vous ?
Terre meurtrie par tant d’hommes errants !
Terre enrichie par les cadavres de tant d’hommes.
Mais la terre c’est nous,
Nous ne sommes pas sur elle
Mais en elle depuis toujours.
In État de veille, 1943
C’est bien là qu’elle se heurte au message que veulent diffuser les gens de pouvoir de l’argent, de la politique et du médiatique qui, dans un souci commun de profit et de gestion, distillent un discours de masques et d’évitements. Comment pourraient-ils accepter de mettre en avant une expression qui propose une autre réalité que la leur, qui va à la liberté de la parole ?
Jules Supervielle
L’espérance
Dans l’obscurité pressentir la joie,
Savoir susciter la fraîcheur des roses,
Leur jeune parfum qui vient sous vos doigts
Comme une douceur cherche un autre corps.
Le cœur précédé d’antennes agiles,
Avancer en soi, et grâce à quels yeux,
Éclairer ceci, déceler cela,
Rien qu’en approchant des mains lumineuses.
Mais dans quel jardin erre-t-on ainsi
Qui ne serait clos que par la pensée ?
Ah pensons tout bas, n’effarouchons rien,
Je sens que se forme un secret soleil.
In La Fable du monde, © Poésie/Gallimard, 1987
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À un poète
pour Orfila Bardesio
en guise de préface
Sur vous et votre livre
Le grand ciel prend le large,
On ne sait si on lit
Ou si l’on vous regarde.
Vos vers battent des cils,
Vos yeux chantent et vibrent ;
Votre front reste libre
C’est pour les réunir.
À votre guise et sans
Déplacement de l’âme,
Vous devenez la femme
Ou bien la poésie.
In La Fable du monde, © Poésie/Gallimard, 1987
Internet
- Dans La Pierre et le Sel | De l’utilité des poètes
Contribution de PPierre Kobel
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