Il y a de l’humour chez ces deux-là et une désillusion lucide quant à notre société, quant à notre avenir.
Options
J’aime mieux le cinéma.
J’aime mieux les chats.
J’aime mieux les chênes de l’autre côté.
J’aime mieux Dickens que Dostoïevski.
Je m’aime mieux moi-même aimant bien les humains
que moi-même aimant l’humanité.
J’aime mieux avoir sur moi une aiguille et du fil.
J’aime mieux la couleur verte.
J’aime mieux ne pas affirmer que la raison est coupable de tout.
J’aime mieux les exceptions.
J’aime mieux sortir plus tôt.
J’aime mieux, chez les médecins, parler d’autre chose.
J’aime mieux les vieilles images, toutes rayées.
J’aime mieux le ridicule d’écrire des poèmes
que le ridicule de ne pas en écrire.
J’aime mieux, en amour, des anniversaires pas ronds
à fêter tous les jours.
J’aime mieux les moralistes
qui ne me promettent rien.
J’aime mieux la bonté rusée à celle un peu trop crédule.
J’aime mieux la terre en civil.
J’aime mieux les pays conquis que conquérants.
J’aime mieux avoir des objections.
J’aime mieux l’enfer du chaos que celui de l’ordre.
J’aime mieux Charles Perrault que les unes des journaux.
J’aime mieux les feuilles sans fleurs que les fleurs sans feuilles.
J’aime mieux les chiens à la queue non coupée.
J’aime mieux les yeux clairs car les miens sont foncés.
J’aime mieux les tiroirs.
J’aime mieux beaucoup de choses que je n’ai pas citées,
que beaucoup d’autres choses que je n’ai pas citées.
J’aime mieux les zéros en vrac
que les zéros en file d’attente derrière un chiffre.
J’aime mieux le temps des insectes que le temps des étoiles.
J’aime mieux toucher du bois.
J’aime mieux ne pas demander combien de temps encore, ni quand.
J’aime mieux prendre en compte jusqu'à cette hypothèse
que l’existence aurait une raison quelconque.
In De la mort sans exagérer, Poèmes 1957-2009, © Poésie/Gallimard, 2018, p.218
Traduction de Piotr Kaminski
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Je préfère
Pour Wislawa Szymborska
Je préfère
les jeux d’échecs à la boxe,
la solitude aux commérages,
les tombes de vieux à celles de jeunes.
Je préfère
la victime à la brute,
les baguettes aux matraques
la raison au patriotisme.
Je préfère
l’errance à la fuite,
la légèreté à la pesanteur,
la perte de mes lunettes à celle de ma confiance.
Je préfère
l’épanouissement à la nostalgie,
les galaxies au train-train.
Je préfère
l’homme curieux à monsieur je-sais-tout,
la bonne fortune à la fortune,
un visage rougissant à un visage de marbre.
Je préfère
les hivers qui restent dehors,
les imprévus à la solitude,
lorsque la vie
gagne en valeur.
In Le cœur à trois heures du matin, © Bruno Doucey, 2015, p.9
Traduction de Mireille Vignol et Pierre Riant
Bibliographie partielle
- De la mort sans exagérer, Poèmes 1957-2009, © Poésie/Gallimard, 2018
- Le cœur à trois heures du matin, © Bruno Doucey, 2015
Internet
Dans La Pierre et le Sel :
- Actu poème : Wislawa Szymborska et le documentaire Apocalypse Hitler
- Actu poème : Wislawa Szymborska et le documentaire Apocalypse Hitler
- Recueil : Peter Bakowski | Le cœur à trois heures du matin
Contribution de PPierre Kobel
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