La langue d’Hélène Dorion est une langue d’espaces. Espace intérieur, espaces de la nature, pour se trouver et avancer. Cette quête, cette langue puissante et douce à la fois, fait d’elle une des voix primordiales de la poésie québécoise contemporaine.
Le recueil dont fait partie le texte qui suit, rassemble des voix féminines qui s’inscrivent face à la mémoire de Gaston Miron, puisant à son écriture et la prolongeant, voire la bousculant ainsi que l’écrit l’éditeur :
En 1970, le poète Gaston Miron publie L’homme rapaillé, dont le poème liminaire – fondateur – marque l’arrivée, la naissance, l’aube : « je ne suis pas revenu pour revenir / je suis arrivé à ce qui commence ». Près de cinquante ans plus tard, quarante et une femmes poètes, Québécoises d’ici et d’ailleurs, de générations et de sensibilités différentes, prennent la parole, pour que le commencement continue d’advenir.
Engagées dans l’avenir, des femmes poètes deviennent ce chant ininterrompu. Elles révèlent par leurs voix autant de chemins d’arriver à ce qui commence, de naître à soi, à l’autre et au monde. Elles écrivent non pas à la suite de Miron, mais avec et contre lui.
D’espérance en commencements
Le voyage dure encore,
qui me mène au commencement de moi-même,
et la traversée ne connaît aucun port.
De vastes ailes, des barques d’absence,
un château blessé. Le vent tourmente
les forêts sans mémoire, perce les épaves,
les ruines déjà rouillées par trop d’hivers.
Je rentre par des chemins dispersés
aux quatre coins de la nuit, par des paroles
accroupies dans la langue de mon père,
des cris, des balbutiements, des mots
en friche qui ne racontent aucune histoire
et croquent le fruit
et attendent le printemps.
J’ai longtemps cherché le seuil
de ma propre maison, les pierres lourdes
du passé encombraient le passage.
Aujourd’hui j’avance vers ce que je deviens,
je me fonde, m’érige,
m’échafaude à l’est de mon arbre
po r que tout commence
avec ce qu’on appelle vivre.
J’ai compris tant de choses
de mes bonheurs et de mes déchirures.
Le temps brûle entre mes mains
comme des feuilles jaunies, l’empreinte
de chaque solitude
que l’on regarde les yeux fermés.
Et si, derrière nos pas, le monde
se remet à battre, que reviennent,
comme les grandes marées,
les terres jamais entrevues,
et si je porte encore une trace,
c’est d’espérance en un commencement
qui nous recommencera.
In Femmes rapaillées sous la direction d’Isabelle Duval et de Ouanessa Younsi, © Mémoire d’encrier, 2016
Bibliographie partielle
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Comme résonne la vie, © Bruno Doucey, 2018
Internet
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Page Wikipédia
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Dans La Pierre et le Sel, un texte d’Hélène Dorion
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Le site de Mémoire d’encrier
Contribution de PPierre Kobel
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