Karim Mokeddem
Provins, France
Soleil de lune
Deux pierres pures sur une dune noire.
Un tas de sable et deux merveilles.
Regarde, je suis leur miroir.
Elles m’ont aperçu dans leur éveil.
Voici la lune et le soleil.
Voici la lune et le soleil.
Une rencontre unique avec deux forces opposées.
La première obscure, la seconde éclairée.
Un instant, je les ressens,
Et au plus profond des mers, je les entends.
Voici le soleil et la lune.
Voici le soleil et la lune.
In Poésie en liberté 2016, © Bruno Doucey, 2016
L’association Poésie en liberté a fêté ses vingt ans en 2018. C’est l’occasion de s’entretenir ici avec Jean-Marc Müller, initiateur de cette entreprise, qui la dirige toujours avec discrétion et dynamisme.
La Pierre et le Sel : Quel est l’itinéraire personnel qui vous a conduit à la poésie ? Culture familiale ? Rencontres personnelles ? Études ?
Dès mon plus jeune âge, j’ai lu. Lu et lu jusqu’à plus soif. Je suis né et j’ai grandi dans une famille sans livre. Le receveur des Postes a légué à mon frère aîné une impressionnante bibliothèque de plusieurs centaines de livres : grands auteurs russes, allemands, anglais et évidemment français. J’ai dévoré le plus grand nombre.
La Pierre et le Sel : Quelle place occupe aujourd’hui la poésie dans votre existence ? Avez-vous une écriture personnelle ? D’autres activités de création artistique ?
J’ai ainsi appris auprès de ces auteurs à écrire. J’ai noirci chaque jour une page d’un carnet à spirales demi-format. J’ai maîtrisé la langue française vers 12 ans et rédigé 27 de ces carnets jusqu’à mes 18 ans. À 22 ans je les ai brûlés.
J’ai créé un premier journal vers 24 ans (agit-prop révolutionnaire post mai 68). Puis un deuxième journal associatif sur l’éducation. Puis des revues sur l’éducation qui existent encore.
La Pierre et le Sel : Quels sont les poètes, contemporains ou du patrimoine, qui vous sont proches par leur écriture ? Quelle place accordez-vous à la lecture des poètes en regard de votre travail personnel ?
Je continue à lire de nombreux poètes que je connais personnellement par mon action à Poésie en liberté.
La Pierre et le Sel : Avez-vous personnellement déjà publié ?
J’ai publié de nombreux articles dans des revues que j’ai dirigées. À 20 ans j’ai écrit des pièces de théâtre qui ont été représentées dans plusieurs pays d’Europe. Tout a été ensuite brûlé selon mon habitude. J’ai toujours écrit et je n’ai jamais cessé. Mes écrits sont soit détruits, soit inconnus de tous.
Tom Lévêque
Paris, France
Un jour on ira…
Un jour on ira dans les montagnes du monde, là où soufflent des braises apeurées. On oubliera le vent qui rugit au-dehors, on aura plus que ces arbres morts imprimés sur nos rétines sans formes. Où est passé ce soleil sans nuages qui fait rêver le temps au-delà des frontières ? Des fois cent fois il renaît sous nos yeux écarquillés et sait guérir l’ombre de nos corps endormis.
Un jour, on ira sur les flancs des montagnes pour sentir l’extérieur d’un souffle qui fait trembler un cœur las. On navigue au milieu des sapins, à minuit, quand le monde encore vierge de nos vies trop pressées sait saisir dans un pas le battement d’un monde qui s’écroule.
Un jour on ira en haut de cette montagne pour regarder les ruines et vouloir rebâtir ces collines aux flancs troués, ces villes aux cœurs brisés, ces champs aux peaux ridées.
Un jour, on aura plus que nos cœurs pour battre et se battre. On sera bien obligés de trouver autre chose que des mots sans panache pour construire des empires de non-sens sans navire. On sera bien obligés de trouver autre chose que nos mains pour réussir à faire jaillir une source dans le regard de l’autre.
Un jour, on descendra la montagne pour voir qu’en bas, même si ce n’est pas au cœur de celle-ci, même si ce n’est pas sur ses flancs élancés, même si ce n’est pas sur sommet glorieux, il y a bien assez de quoi vivre.
Nos rétines iront mieux sous ce soleil de début du monde. Les ombres ciselées qui nous ont hantées s’éteindront sous les feux de nos foyers lumière. Les talons grèves de nos chaussures tempêtes résonneront… Puis s’éteindront.
Et ce sera fini
La brise aura soufflé le vent.
In Poésie en liberté 2017, © Bruno Doucey, 2017
La Pierre et le Sel : Poésie en liberté a vingt ans d’existence. Quelles sont les conditions qui ont présidé à sa création ? Quelles sont les grandes étapes de son histoire ?
Poésie en liberté est le fruit du hasard : dans un lycée j’ai su constituer une équipe pour faire lire et écrire des textes en vue d’offrir leur chance aux élèves. Je l’ai lancé. Le hasard m’a permis de poursuivre et de faire durer l’initiative.
La Pierre et le Sel : Vous présidez aux destinées de l’association depuis le début. Comment travaillez-vous avec l’équipe qui vous accompagne ? Quel est le rôle de chacun dans l’organisation et la gestion du concours et des manifestations de l’année ?
Je suis entouré d’un groupe de fidèles tous bénévoles. Voici la structure opérationnelle :
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Équipe gestion et finances avec des personnes compétentes
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Équipe pédagogique pour encadrer les jeunes engagés dans le jury, l’animation culturelle
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Équipe recherche-développement avec publication de jeunes auteurs et promotion d’artistes
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Recherche de sponsors et partenaires
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Directions : Directeur artistique, Directeur des systèmes informatiques, Directeur des relations publiques
Chloé Berr
Université d’Aarhus, Aarhus (Danemark)
The Poet
Un jour j’ai rencontré
Un jeune poète américain
Dont le bagou moitié gobé
Changeait du style Quartier latin.
Matelots du navire
Qui ne sombre jamais
Aiment voguer contre-courant
Pour éviter l’alexandrin,
Et placotent et échos aux clapots de la Seine,
Tandis qu’il revient.
Ohé canonniers d’avant-garde,
Venez donc bombarder et la rime
Et le vers. Votre plume susurre.
En réponse aux mitrailles
Qui abattent votre clan.
Outre-mer, ni violence,
Ni démence truculente,
Juste une voix bien ferme
Aux accents nasillards
Qui sentent la fraîcheur d’une jeunesse qui ose.
Sa jactance volubile et subtile
Oppose et indispose,
Décompose, subtilise
Et vous met nez à nez
Avec la nouveauté.
Le griot d’Amérique a l’âme à s’amuser.
Un jour j’ai rencontré
Un jeune poète américain
Dont les vers tourmentés
M’ont fait revoir les miens.
In Poésie en liberté 2018, © Bruno Doucey, 2018
La Pierre et le Sel : Quel est le déroulé de chaque édition du concours, ses grandes étapes ?
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Diffusion de l’information : décembre-janvier affiches, site, réseaux sociaux
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Participation au concours : janvier-avril
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Jurys : mai
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Anthologie : octobre
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Remise des prix : novembre
La Pierre et le Sel : Quel est votre fonctionnement économique ? Quel est le statut de votre association ? Quel est votre budget de fonctionnement ? Avez-vous des subventions ? Des partenaires ?
Association Loi 1901, Sponsors publics et privés, subventions des ministères et de la Région. Budget annuel de 60 000,00 euros
La Pierre et le Sel : Quels modes de diffusion utilisez-vous pour annoncer le concours ? Quelle est l’importance des relations avec le monde de l’éducation ? Avez-vous des relais dans les médias ? Utilisez-vous Internet ?
Le concours repose sur le site Internet (pour la participation, l’action culturelle, les résultats et la diffusion.
La Pierre et le Sel : Quelle importance accordez-vous à l’édition du recueil qui accompagne chaque édition du concours ?
Le pari de l’édition d’un livre s’inscrit sur la nécessaire combinaison entre l’écrit et l’électronique.
La Pierre et le Sel : Quelle est votre opinion quant à l’état de la poésie en France ?
La poésie est vitale. Chaque civilisation est née d’un grand poème. Chaque langue est vivante par ses écrits et sa poésie forme le tissu de sa vie démocratique.
La Pierre et le Sel : Quels sont vos projets pour l’avenir de Poésie en liberté ?
En faire le creuset de la naissance de jeunes poètes.
Louise Assenbaum
Saint-André-de-Sangonis, France
Un cœur qui bat
Dans la maison, on entendrait presque le silence, sans le crépitement du feu et le clapotis de la pluie qui tombe sans relâche sur le sol sec, craquelé, privé d’eau depuis longtemps. Le vent souffle sous les tuiles du toit.
Quand je sors, la porte claque derrière moi. Le goudron s’étale, coulée de lave noire prise entre les rebords gris des trottoirs. Je sens dans le jardin d’en face, l’odeur de l’amandier qui a fleuri trop tôt, cette année. Toute proche, la mer. De légers bruits d’eau, la dentelle d’écume qui se retire. La mer se laisse doucement finir. Elle renonce, s’abandonne et vient, peu à peu, mourir contre les rochers.
Et puis, il y a aussi, plus loin, un cœur, ton cœur qui bat, là-bas.
In Poésie en liberté 2017, © Bruno Doucey, 2017
Internet
Contribution de PPierre Kobel
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