Cécile A Holdban n’est pas seulement poète et traductrice. Elle pratique depuis longtemps, le dessin et la peinture ainsi qu’elle l’expliquait dans l’entretien qu’elle accordait à La Pierre et le Sel en février de cette année : « En me fondant sur l’observation et l’imaginaire de la nature, de l’environnement naturel et de ses langages, le rapport entre paysage visible et invisible, je tente de traduire cette résonance entre espace intérieur et espace extérieur. Cela revient aussi à sonder des interrogations humaines, artistiques, philosophiques. Travailler à partir des lignes et des éléments du paysage, avec les mots du poème et ses images, avec de l’eau, des écorces, des pierres, des pigments, du papier. Tenter de dresser des passerelles entre les arts. »
Du 4 au 28 septembre, l’espace Andrée Chedid de la ville d’Issy-les-Moulineaux organise une exposition de ses dessins et livres d’artistes.
Bernard Grasset
Un froissement d’ailes
Commence le jour
Varech et gentiane
Au bord des nuages.
Habitant secret
D’une autre lumière
Il franchit le torrent
Qui borne la cité
Entre acacias et oliviers.
Monde sans partage
Des justes couleurs –
Un paludier se souvient.
In La Porte du Jour 3, © Interventions à haute voix, 2008
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Du Nom il rêvait
Ni tempêtes
Ni orages
Ni éclats
N’ont rapproché l’homme du Mystère
– Horeb silencieux –
Mais le simple murmure du vent à peine
Cristal d’ailes
Du vent qui réveille les arbres seuls
Sous les nuages
In La Porte du Jour 1, © Gerbert, 1999
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Emily Dickinson
Deux papillons sortirent à Midi
Et valsèrent au-dessus d’une Ferme
Et puis ils aperçurent la Circonférence
Et firent un tour de manège avec elle –
Puis ils se perdirent et se retrouvèrent
Dans les remous du soleil
Jusqu’à ce que la Gravitation les laisse échapper –
Et tous Deux firent naufrage dans le Midi –
À tous les papillons survivants
Que cette Fatuité
Soit un exemple – et une monition
Pour l’entomologie –
In Poésies complètes, © Flammarion, 2009
Traduction par Françoise Delphy
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Emmanuel Moses
Journey’s end
Au bout de ce chemin de forêt surgit la fin du voyage
Comme au bout de la nuit, le matin
Mais toi, avec tes pieds et ton regard
Avec tes mouvements,
Tu le parcours autrement que moi
Et que quiconque d’autre dans l’univers
Tu fais ton chemin pas après pas
La terre que tu foules est de ton invention
Et la nuit – la vis-tu comme moi ? La rêves-tu comme moi ?
Ses caresses sombres, sa respiration lente et chaude
Les ressens-tu contre ta peau unique comme je les ressens
Comme quiconque d’autre les ressent ?
Inspiration après inspiration, souffle après souffle
Tu tisses les fils intimes et longs de ta nuit unique
Que tu domines, qui te domine, dont tu es tout à la fois
Geôlier et prisonnière
Au bout de ce chemin qui n’appartient qu’à toi
Chante la rivière aux mille poissons cuivrés
Dont l’eau fraîche et verdâtre reflète des halos de lumières, des nappes d’ombre
Et laisse transparaître, parmi les cailloux, quelques rochers moussus
Ici naissent le partage et l’universel, ici naît l’homme qui tient à l’homme
Ici je te retrouve être et je te rejoins, moi qui suis
Au bout de la nuit s’égoutte le matin
Il nous rassemble, t’entremêle à moi et à travers moi
À tous ceux que la nuit a tramés, qui ont tramé la nuit
Écoute les premiers oiseaux de l’aube !
Vois le lent écoulement du matin qui croît de minute en minute
Pour nous laisser apparaître, nous emporter, nous hisser, nous isoler
Nous emmêler à l’histoire et à l’espace du monde
In Sombre comme le temps, © Gallimard, 2014
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Florentine Rey
Déplacée
Parfois quand tu t’absentes
tu emportes avec toi
tout l’intérieur de moi.
Je me remplis de silence
pour rester habitable.
Texte inédit
In Voix Vives, anthologie Sète 2019, © Bruno Doucey, 2019
Internet
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La Pierre et le Sel | Entretien avec Cécile A. Holdban
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Exposition des dessins et livres d’artistes de Cécile A Holdban à Issy-les-Moulineaux
Contribution de PPierre Kobel
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