En ouverture ce texte qui donne le titre du recueil. Et déjà l’écriture ample de Hélène Dorion pour dire sa sensibilité aux choses de la vie, le rappel à l’enfance et aux débuts de la douleur et de l’espoir.
Comme résonne étrangement la vie
que tu vois se lever, au milieu du brouillard
de l’enfant que tu étais, hier encore
à la table où ton père, où ta mère
fouillaient le quotidien, sarclaient
la terre, arrachaient les herbes égarées
parmi les tulipes hautes
qui flottent encore dans le jardin comme
des étoffes, et mesurent les vents à venir.
Alors, comme résonne étrangement la vie
derrière la tempête qui broie ton corps
d’enfant, jette des marées de solitude
sur tes rêves, crois-tu, un mouvement
de lumière gagne sur la brume
peu à peu tu défriches la forêt
du passé, vois le chemin
où naissent et glissent
dans la terre les fragiles espérances.
Tu entends soudain la pulsation du monde
déjà tu touches sa beauté inattendue.
Dans ta bouche fondent les nuages
des ans de lutte et de nuées noires
où tu cherchais le passage
vers l’autre saison
et comme résonne étrangement l’aube
à l’horizon, enfin résonne ta vie.
In Comme résonne la vie, © Bruno Doucey, p. 7, 2018
Avancer dans l’existence grâce aux mots quand ils ont à la fois cette grâce et cette présence pour dire, bâtir cet espoir, malgré le désordre, malgré l’incertain.
Orchestres 1
Dans le désordre des bois, le fleuve confus des jours
et des joies qui demandent à naître
les mots franchissent l’orage, proches
comme des oiseaux confiés aux vents
ils flottent entre les berges
entre futur et passé.
Pour eux, rien n’est tout-à-fait obscur, rien
tout-à-fait pur, les torrents leur dessinent
des horizons sans fin ni commencement
des orchestres de vagues les déchirent
comme le temps, les tordent, les dénouent.
Tu bois la sève et touches la cendre.
Tu prends le chemin de chants incertains
qui portent tes espérances.
Tu es de ces mots qui s’ouvrent et s’absentent
pour reparaître du côté des forêts
du voyage de l’aube que célèbre ta vie
à l’instant, tout ce qui cherche à renaître
en toi s’éveille, un monde proche
la lumière des choses
et de tes rêves.
In Comme résonne la vie, © Bruno Doucey, p. 23, 2018
Vivre c’est avancer au-delà de la mémoire, répondre à « une interrogation tenace sur les raisons de notre présence au monde. » comme l’écrit l’éditeur, apprendre à se connaître pour passer du je au nous.
Le voyage dure encore
qui me mène au commencement de moi-même
et la traversée ne connaît aucun port.
De vastes ailes, des barques d’absence
un château blessé. Le vent tourmente
des forêts sans mémoire, perce les épaves
les ruines déjà rouillées par trop d’hivers.
Je rentre par des chemins dispersés
aux quatre coins de la nuit, par des paroles
accroupies dans la langue de mon père
des cris, des balbutiements, des mots
en friche qui ne racontent aucune histoire
et croquent le fruit et attendent le printemps.
J’ai longtemps cherché le seuil
de ma propre maison, des pierres lourdes
encombraient le passage.
Aujourd’hui j’avance vers ce que je deviens
je me fonde, m’érige
m’échafaude à l’est de mon arbre
pour que tout commence
avec ce qu’on appelle vivre.
J’ai compris tant de choses
de mes bonheurs et de mes déchirures.
Le temps brûle entre mes mains
comme des feuilles jaunies, l’empreinte
de chaque solitude
que l’on regarde les yeux fermés.
Et si, derrière nos pas, le monde
se remet à battre, que reviennent
comme de grandes marées
les terres jamais entrevues
et si je porte encore une trace
c’est d’espérance en un commencement
qui nous recommencera.
In Comme résonne la vie, © Bruno Doucey, p. 42, 2018
Vivre c’est aimer les mots, ce levain qui fait gonfler les pages de l’existence, qui lui donnent un sens. Malgré tout.
Tu ouvres un livre et humes le papier
en mesures l’épaisseur
tu feuillettes les premières pages, déjà
tu sais la langue qui pétrit le désordre
la poussée des mots
sur les ombres nécessaires et leurs sauts de clarté
tu sais la solitude quand tu tournes les pages
les voiles qu’il faut abattre
sous les vents trop puissants, nos cœurs
à ouvrir, nos vies
que chaque amour agrandit
Et les amarres cèdent enfin
on laisse partir toutes choses.
In Comme résonne la vie, © Bruno Doucey, p. 42, 2018
Bibliographie partielle
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Comme résonne la vie, © Bruno Doucey, 2018
Internet
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Page Wikipédia
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La Pierre et le Sel :
Contribution de PPierre Kobel
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