Alors que nous allons de nouveau devoir rester enfermés durant quatre semaines au minimum, chaque jour un texte pour dire la liberté des mots et la foi en l’avenir.
Katerina Apostolopoulou
Il s’appelait Fotis
Une légende de notre enfance
L’homme qui écoutait l’âme de la ville
Nous avons grandi avec cet être étrange
Qui errait parmi nous
Personne ne se souvenait du jour
Où Fotis avait tout laissé derrière lui
Pour devenir l’ermite de la colline
Lorsqu’il était jeune
Il était cordonnier
Était-il possible que Fotis ait été jeune un jour
enfant
comme nous ?
Il faisait du bon travail
Et son affaire marchait bien
Mais il donnait tout ce qu’il gagnait
À qui avait plus besoin que lui
Il a dû fermer la boutique
L’année juste avant les grands tremblements de terre
– nous n’étions pas encore nés –
Il s’était marié avec une femme belle et douce
Ils s’aimaient comme des fous
Elle était morte subitement
Fotis a abandonné sa maison
ses papiers
sa carte d’identité
le peu de biens qu’il possédait
Il a quitté la ville
A disparu
Plusieurs mois plus tard
Des pêcheurs racontaient l’avoir croisé en banlieue
près de la mer
Sortant d’une grotte taillée dans la colline
Petit à petit
Il s’est transformé en vague
Qui traversait la ville le jour
Mouillait tous les quartiers de ses bonjours
Et de son regard frais
Et puis le soir
Se retirait.
In J’ai vu Sisyphe heureux, © Bruno Doucey, 2020
Internet
Contribution de PPierre Kobel
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