Alors que nous allons de nouveau devoir rester enfermés durant quatre semaines au minimum, chaque jour un texte pour dire la liberté des mots et la foi en l’avenir.
Ana Istarú
(Costa Rica, née en 1960)
La mort est un repli
Nous serons tous précipités
en un prélude algide vers l’adieu,
l’obscurité, le nuage indéchiffrable.
Devenir non être
non néant du néant.
À qui tendre le voyage ombilical
de la nostalgie,
lui dire en sanglotant,
nous partons, j’y vais, je m’en vais.
Nous pataugeons dans la mort,
raréfiés.
Porte le fil de ce baiser au front
peuplé de la fraise,
à la poussière calcinée par l’éclat,
au point sacré sur ce territoire
où pour la première fois j’ai vu et je l’ai su :
voici celui que j’aime,
en frôlant comme une tangente l’infini. Le soleil,
les marbres célestes,
ceux qui voyagent encore : les argonautes
qui élèvent le vaisseau bleu du monde.
Emporte ce baiser et plante-le
comme un aiguillon d’amour acharné
dans tout ce qui existe.
Ma mort est un repli,
une géniale stratégie
de la semence.
Des particules de moi roulant dans le cosmos,
filant le risque indemne des astres.
Le pouls du néant c’est la tiédeur,
l’atome endormi qui revient
et non l’amertume.
L’eau et le carbone doux que je fus,
récupérés par l’orbe,
engendrent d’autres traits, une autre côte flamboyante,
des locomotives,
la foi des saumons,
l’orange,
la rage irrévérencieuse des hommes,
ceux qui élèvent
le vaisseau bleu du monde
et donnent leur parcelle
de lumière à chaque chose,
leur miette de paix sur la terre.
In La muerte y otros efímeros agravios (La mort et autres offenses éphémères), © Costa Rica, 1988
Traduction de Claude Couffon
Internet
Contribution de PPierre Kobel
Commentaires