Alors que nous allons de nouveau devoir rester enfermés durant quatre semaines au minimum, chaque jour un texte pour dire la liberté des mots et la foi en l’avenir.
Parfois, quand je regarde par la fenêtre, quelque chose se passe. Je ne saurai le définir. Tout a l’air si calme et pourtant cela bouge entre les arbres. Des oiseaux volent. Beaucoup de corbeaux parmi eux. Des corbeaux qui font des taches dans le bleu du ciel. Je me surprends à penser alors que c’est elle qui bat des ailes, noire dans le ciel bleu. Elle vole tant que cela l’essouffle. Alors, je la vois s’effondrer tête la première. Un jour, ma grand-mère a dit La vie est un pot de merde. Pourtant, elle a tout fait pour ne pas mourir, pour survivre, même quand elle est restée assise sur une chaise, le regard dans le vide. Renée a préféré la chute. Elle n’avait personne à qui parler, aucune oreille pour se confier. Petit à petit, elle n’a plus su faire face, elle s’est effondrée, tel l’oiseau abattu dans le ciel, en chute libre. Dire que depuis tout ce temps où Renée n’est plus, on l’a fait cesser d’être. Personne n’a légué son souvenir. Son portrait, on ne le connaît pas. Pourtant, il m’arrive de voir ses yeux cligner, délavés par la pluie, les larmes. Les contours ne sont pas toujours nets. D’autres fois, elle m’apparaît comme dans la réalité, poussière. Quand je suis prise d’éternuements le soir, je comprends que c’est elle qui commence à venir.
In Renée, en elle, © Henry, 2015
Internet
Contribution de PPierre Kobel
Commentaires