La poésie « est au-dessus des règles et de la raison.
Quiconque en discerne la beauté d’une vue ferme et rassise,
il ne la voit pas, non plus que la splendeur d’un éclair.
Elle ne pratique point notre jugement ; elle ravit et ravage. » Montaigne
Chaque jour un texte pour dire la poésie, voyager dans les mots, écrire les espaces, dire cette « parole urgente », cette parole lente, sa liberté dissidente et la colonne vertébrale qu’elle est pour aller au-delà du discours quotidien, du réel. Pour se laisser ravir et ravager.
Les mots rythment mes heures, parfois d’une grande joyeuseté, parfois comme une condamnation, le plus souvent traversés d’un souffle de mélancolie, voire d’angoisse. Ils sont une constance à travers les changements et les bifurcations. La seule constance, peut-être. Ils sont une passerelle, mais aussi un rempart. Ils disent, et à la fois contredisent, et à la fois déguisent. Le gouvernail et les voiles de notre barque désarrimée. Ils m’ont permis les plus beaux voyages, mais aussi cette contemplation des ténèbres qui a dévoré une si grande part de ma vie. Je m’y tiens en un équilibre précaire. Mon balancier, de plus en plus, se gauchit. D’un côté, le vide qu’il me reste à explorer, quitte à être aspirée et broyée. De l’autre, un désert auquel me condamneraient le silence des mots et l’abandon de l’écriture. Un désert qui porte ton visage.
In Danser sur tes braises suivi de Six décennies, © Bruno Doucey, 2020
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Contribution de PPierre Kobel
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