La poésie « est au-dessus des règles et de la raison.
Quiconque en discerne la beauté d’une vue ferme et rassise,
il ne la voit pas, non plus que la splendeur d’un éclair.
Elle ne pratique point notre jugement ; elle ravit et ravage. » Montaigne
Chaque jour un texte pour dire la poésie, voyager dans les mots, écrire les espaces, dire cette « parole urgente », cette parole lente, sa liberté dissidente et la colonne vertébrale qu’elle est pour aller au-delà du discours quotidien, du réel. Pour se laisser ravir et ravager.
Les visages anciens ne s’effacent jamais,
le temps nous émiette, c’est certain,
mais dans nos souvenirs, demeurent
les sourires qui nos consolèrent
et les regards qui nous reconnurent.
La fraîcheur claire des feuilles de hêtre
et celle obscure des sapins, nous rappellent
que rien ne meurt si l’on veut bien
ne plus penser à soi. Toute saison invente,
à travers nous, les multiples endroits
où elle peut poser ses mystères et ses voiles,
elle est jeune en chaque source qui jamais
ne tarit, en chaque cascade qui ébrèche
son propre miroir, en ces muets effritements
qui ne changent rien à l’immémorial passage
du vent. Les visages anciens nous aiment,
nous protègent, sachons ne pas nous presser
pour qu’ils nous restent fidèles,
ne déchirons pas notre vie, notre seuil
s’appelle lumière.
In Les frôlements infinis du monde, © Gallimard, 2018
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Contribution de PPierre Kobel
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