La poésie « est au-dessus des règles et de la raison.
Quiconque en discerne la beauté d’une vue ferme et rassise,
il ne la voit pas, non plus que la splendeur d’un éclair.
Elle ne pratique point notre jugement ; elle ravit et ravage. » Montaigne
Chaque jour un texte pour dire la poésie, voyager dans les mots, écrire les espaces, dire cette « parole urgente », cette parole lente, sa liberté dissidente et la colonne vertébrale qu’elle est pour aller au-delà du discours quotidien, du réel. Pour se laisser ravir et ravager.
La fleur ne sait pas qu’elle va mourir
La fleur
ne sait pas qu’elle va mourir
je le sais
pour elle
je le sais
pour moi
je le sens
chaque matin
chaque aube
l’aube
d’avant le matin
l’aube
avec encore un peu de nuit qui traîne
les morts le savent qui meurent à l’aube
sans leur petit déjeuner du matin
je le sens
comme un loup renifle sa piste
un enfant
ses parents
un amant
son amour
un chagrin
sa fenêtre par où se jeter dans le ciel
je le sens
avant d’armer ma journée
comme on arme un pistolet
j’ai peur
de tomber dans la maladie
comme on tombe dans un cauchemar
qui débuta par un rêve
j’ai peur
pour mes amis dispersés sur la carte
nul lieu
où aller pour se sauver
pour moi
pour eux
pour personne
sur la terre où nous vivons
les îles dont nous rêvons
la mer qui les relie
sinon un lieu
un seul
au plus profond de nous
tel qu’au plus loin du ciel
mais en dedans
où il n’y a plus de frontière
entre toi et moi
mon amie de là-bas
à un mètre de moi
plus je suis près de toi
jusqu’à être en toi
plus tu risques de mourir à cause de moi
une fois
il serait une fois
comme dans un conte
le conte où nous vivons aujourd’hui
tels qu’eux autrefois
Le Petit Poucet
contre la forêt
Le Petit Chaperon rouge
contre le loup
La Petite Fille aux allumettes
contre le froid
In La baie vitrée, © Bruno Doucey, 2021
Internet
Contribution de PPierre Kobel
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