La poésie « est au-dessus des règles et de la raison.
Quiconque en discerne la beauté d’une vue ferme et rassise,
il ne la voit pas, non plus que la splendeur d’un éclair.
Elle ne pratique point notre jugement ; elle ravit et ravage. » Montaigne
Chaque jour un texte pour dire la poésie, voyager dans les mots, écrire les espaces, dire cette « parole urgente », cette parole lente, sa liberté dissidente et la colonne vertébrale qu’elle est pour aller au-delà du discours quotidien, du réel. Pour se laisser ravir et ravager.
Quand les garçons venus des provinces timides
Mettent le pied sur les pavés de cette ville,
J’illumine pour eux les grandes perspectives
Du port mouvementé et de la ville active.
Mais s’ils sont fatigués et tristes de sentir
La ville appesantir leur main sur leur épaule,
Si, noyés dans la nuit que coupent les voitures
Et qu’entament les réverbères,
Leur désir pense à tout le calme que faisait,
Sur leur jardin fermé, la nuit intacte et douce,
Ma tendre expansion et ma bonne chaleur
Rappelle à ces garçons que l’exil déconcerte
L’attentive amitié de leurs sages maisons.
Et quand du port qui sent l’anchois et le goudron,
Les marins au cou nu, les mousses grandissants,
Remontent vers la haute ville,
Je suis pour eux réconfortant et cordial,
Comme l’alcool en feu à leurs lèvres salées,
Dans la taverne basse où, dès qu’ils touchent terre,
Ils s’assoient et se désaltèrent.
In La danse devant l’arche, © La Coopérative, 2019
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Contribution de PPierre Kobel