La poésie « est au-dessus des règles et de la raison.
Quiconque en discerne la beauté d’une vue ferme et rassise,
il ne la voit pas, non plus que la splendeur d’un éclair.
Elle ne pratique point notre jugement ; elle ravit et ravage. » Montaigne
Chaque jour un texte pour dire la poésie, voyager dans les mots, écrire les espaces, dire cette « parole urgente », cette parole lente, sa liberté dissidente et la colonne vertébrale qu’elle est pour aller au-delà du discours quotidien, du réel. Pour se laisser ravir et ravager.
J’ai tant aimé qu’il me faut à présent haïr
J’ai tant aimé qu’il me faut à présent haïr
Sans plus chercher l’amertume
Puisqu’en tel lieu on ne sait que trahir,
Tromper ou décevoir.
Trop longuement cette peine a duré
Qu’Amour m’a fait endurer ;
Même si loyauté d’amour certaine
Je veux encore recouvrer.
Dame qui voudrait loyal amour trouver
Qu’elle vienne à moi pour la tranquillité !
Encore doit-elle bien se garder
De ne pas m’aimer pour me trahir,
Car elle folle vilénie ferait,
Et en pourrait mal famée devenir,
Comme fut la fausse Chapelaine
Que le monde ne peut que haïr.
Nombreux sont ceux, hommes et femmes,
Qui disent que j’aurais mal agi
D’avoir fait falsification de sceaux
Mais à bon droit le fis,
Quant à l’anneau en quoi j’aurais trahi,
Tout à bon droit le fis,
Car par l’anneau fut faite la saisine
Dont je suis défait et occis.
À très bon droit je fis ce que je fis,
Puisse Dieu m’avoir donné la bonne monture !
Ceux qui disent que j’ai mal agi
Sont tous faux et parjures.
Pour cette perte de bonne amour, ce déclin,
On leur passe leur méchanceté,
Et ceux qui cachent traîtreusement leurs pensées
Sont les pires déloyaux.
In Du cloître à la place publique – Les poètes médiévaux du nord de la France XIIe-XIIIe siècle, © Poésie/Gallimard, 2017
Édition de Jacques Darras
Internet
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Wikipédia | Conon de Béthune
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Wikipédia | Jacques Darras
Contribution de PPierre Kobel
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