La poésie « est au-dessus des règles et de la raison.
Quiconque en discerne la beauté d’une vue ferme et rassise,
il ne la voit pas, non plus que la splendeur d’un éclair.
Elle ne pratique point notre jugement ; elle ravit et ravage. » Montaigne
Chaque jour un texte pour dire la poésie, voyager dans les mots, écrire les espaces, dire cette « parole urgente », cette parole lente, sa liberté dissidente et la colonne vertébrale qu’elle est pour aller au-delà du discours quotidien, du réel. Pour se laisser ravir et ravager.
Commencer, prendre acte
Ce qui commence, ouvre, se jette
dans le doute, les cercles de l’eau, le rêve.
Le bruit sourd s’instruit de ce qui casse, ce qui plie, s’émiette.
La pensée palpite à la surface de l’eau.
Chaque action entraîne le mouvement,
le dénoue, le contracte, l’épuise.
Ligne oblique. Raturer vers le haut.
La certitude de la diagonale.
Commencer, s’approcher, se rapprocher, se heurter au choc.
Vider le mot de ce qu’il contient.
Voir toute l’eau d’une barque.
Aller à l’intérieur et à l’extérieur du vent, ne rien chercher.
Donner la parole au vent.
Lueurs dans le miroir des lettres. La symétrie du m, du e.
Une intervention, une installation dans le langage.
Demeurer seule avec la pluie, s’y fixer.
Écrire à côté de rien, être secouée par la vitesse.
Porter l’élan vers la voix, la nuit.
Délier les forces, les mettre en présence de l’éloignement.
Juste ce qu’il faut d’étrangeté pour proposer une vision,
transmettre une apparition.
Se dépouiller de son enveloppe.
Revenir de la falaise avec des lambeaux de peur.
Les mains agrandies, une ampoule crevée. Une phrase achevée.
Forme de rien, le souffle de la canicule.
L’étendue de la chair dans un micromouvement.
Une plongée dans le bas du dos, suivre le frisson,
le retrouver sous l’eau.
L’apaisement d’une rature. Le sol retenant la lenteur.
Même expérience.
La poussée vers une forme. Acte d’amour.
Quelqu’un m’appelle par mon nom, chaque creux consolé.
Se réveiller dans le silence. Images fuyantes, d’autres immobiles.
Commencer arrive dans l’inattendu, l’invisible trame.
Dans le surgissement, le risque d’une pensée exposée.
Accepter d’être son objet imaginaire.
Rien, qu’est-ce que c’est ? La forme la plus complète.
Un fantôme dépose un voile sur le monde.
L’esprit de la brume.
Des êtres reviennent, se retirent parmi les choses sensibles.
Soudain, la tentation de déplacer les meubles. De soustraire.
Dans le fragment je reconnais la plénitude.
In Femmes rapaillées, © Mémoire d’encrier, 2016
Internet
Contribution de PPierre Kobel
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