La poésie « est au-dessus des règles et de la raison.
Elle ne pratique point notre jugement ; elle ravit et ravage. » Montaigne
Chaque jour un texte pour dire la poésie, voyager dans les mots, écrire les espaces, dire cette « parole urgente », cette parole lente, sa liberté dissidente. Pour se laisser ravir et ravager.
Que reste-t-il du regard d’un enfant ?
Une maison de pierre grise, sa cour obscure
et là-haut le donjon en ruine, j’avais trois ou quatre ans,
une voix m’appelait dans la profondeur du matin,
tous les matins, je levais la tête, je voyais mon père.
Pourrions-nous voir et entendre et toucher
si nous n’étions portés par cet élan qui vient de loin,
plus loin qu’une mémoire ? Je disais la Roche en Ardenne,
j’entrais aussitôt dans la sphère où l’on s’enchante
des murmures de l’eau qui repoussent les berges,
du soleil bleu des toits pendant l’averse :
j’étais au centre, j’étais parmi les ondes
sur la colline ou sur le pont de l’Ourthe.
Mon père mort de nuit à l’hôpital
et la maison que détruisit la guerre, que reste-t-il
du regard d’un enfant ? Je n’ai pu m’égarer,
je n’ai pas décidé le moment du retour,
nous avons pris le sentier qui monte au château.
Sur le terre-plein nos souffles se mêlent
comme nos mains. Ce jour, ce nouveau jour,
pourquoi prier dans un autre langage ?
les morts ont aussi leur maison, l’été commence à peine
en cette tour envahie d’oiseaux et de vigne vierge.
In Dans la lumière inachevée, © Mercure de France, 1996
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Wikipédia
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La Pierre et le Sel | Entretien avec Pierre Dhainaut
Contribution de PPierre Kobel
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