La poésie « est au-dessus des règles et de la raison.
Elle ne pratique point notre jugement ; elle ravit et ravage. » Montaigne
Chaque jour un texte pour dire la poésie, voyager dans les mots, écrire les espaces, dire cette « parole urgente », cette parole lente, sa liberté dissidente. Pour se laisser ravir et ravager.
John Coltrane – Dix ans après sa mort
Beauté
d’une noirceur de soleil nègre
éclaté dans le rugissement absolu
rut de mort
d’une noirceur androgyne
fleurs sonores
Hier et demain
je me souviens
(Oh comme je me souviens dans
mon pays qui ne se souvient de rien)
Je me souviens bien bien de nos corps
la nuit
poreux de musique et bons
dans la chaleur de ton souffle
Tu imprégnais l’espace
et les fibres de nos vies
démiurge
nègre
mort au front plutôt deux fois qu’une
mort dans la torture de tout dire
aux frontières du cri
Je t’aimais tu ne le savais tu ne le jamais
je t’aimais plus que poème et parole
herbes mortes
face au torrent de tes signes
Coltrane-mon-ami-beau-négatif-de-ma-photo-
blanche-neige
misère d’ébène dont Stravinsky faisait un
concerto
pour petits bourgeois calculant leurs fractions
de culpabilité à la Bourse de l’horreur
Beauté
dieu massacré
misère noire sans bornes
comme la mer négrière
J’aimais en toi
l’essence même du chant
qui brise les bourreaux
Mais le bourreau survit
Dieu-nègre-Amérique confitures amères
Toi toi la sorcellerie trop brève arrêtée là comme ça
comme si tu n’avais plus rien à dire toi « Love
Supreme »
Et je pleure Trane
Je suis ton blues même qui sonne à l’aide « Naïma »
à l’aide « Africa » et je refuse refuse encore
malgré le temps qui m’abuse
ta mort et ma mort dans la tienne
Peut-être saurai-je entendre un jour
le rire caché
sous tes cascades bleues
pour survivre et t’aimer mieux
te prolonger jusqu’à la fin
In Anthologie Poètes québécois, © Écrits des forges/L’Orange bleue, 1996
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Wikipédia | Yves Préfontaine
Contribution de PPierre Kobel
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