La poésie « est au-dessus des règles et de la raison.
Elle ne pratique point notre jugement ; elle ravit et ravage. » Montaigne
Chaque jour un texte pour dire la poésie, voyager dans les mots, écrire les espaces, dire cette « parole urgente », cette parole lente, sa liberté dissidente. Pour se laisser ravir et ravager.
Cette histoire m’a été contée par un autre voyageur de passage. Ça se passait dans un pays étranger, comme toujours.
Lorsqu’il jeune, lui et un autre garçon avaient façonné une femme d’argile. Elle commençait au niveau du cou et se terminait aux genoux : ils s’en tenaient à l’essentiel. Chaque fois qu’il faisait beau, ils ramaient jusqu’à l’île où elle vivait, l’après-midi quand le soleil l’avait réchauffée, et ils lui faisaient l’amour, en pénétrant avec extase son ventre humide et doux, sa chair brune et vermoulue où de mauvaises herbes avaient déjà pris racine. Ils prenaient chacun leur tour, ils n’étaient pas jaloux, elle les préférait tous les deux. Après, ils la réparaient en élargissant ses hanches, en augmentant ses seins d’un galet brillant à chaque téton.
Son amour pour elle était parfait, il pouvait tout lui dire, en elle il déversait toute sa vie. Elle fut emportée par une inondation soudaine. Il disait qu’aucune femme depuis n’avait pu l’égaler.
C’est cela que tu voudrais que je sois, cette femme d’argile ? Est-ce cela que j’aimerais être ? Ce serait si simple.
In Circé, © Bruno Doucey, 2021
Traduit par Christine Évain
Internet
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Wikipédia | Margaret Atwood
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Youtube : Rendez-vous avec Margaret Atwood
Contribution de PPierre Kobel
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