La poésie « est au-dessus des règles et de la raison.
Elle ne pratique point notre jugement ; elle ravit et ravage. » Montaigne
Chaque jour un texte pour dire la poésie, voyager dans les mots, écrire les espaces, dire cette « parole urgente », cette parole lente, sa liberté dissidente. Pour se laisser ravir et ravager.
Ce serait un flot de colère
Enroulé à des branches de pommiers
Des mots d’amour et de colère
Mélangés aux fleurs blanches
Et roses de si grande délicatesse
Des mots robustes comme une harengère
Des mots bien plantés sur leurs jambes
Au loin volent les pétales
Et toi
Au loin aussi
Illusion frappée au coin de la jeunesse
Fixe dans cette pluie blanche
Et rose de si grande mobilité
Étoile coincée entre cœur et malle aux souvenirs
Bras et jambes mêlées aux météores
Aux souvenirs tenaces dis-je
Curry et cumin embusqués
Ombilic de ma vingtaine
Hauteur de ta quarantaine
Quarante voleurs de légèreté
Quittent le sommet d’un pommier
Leur caverne merveilleuse
Refermée dans ma cervelle
Le mot magique chante encore
Ensatiné rose et blanc
Dans ma mémoire qui grisonne
Amour se balance attaché à des rubans
Touffes d’oyat dansant à ras du sable
Au vent qui s’en fout
Au vent qui se fout
Du tiers comme du quart
De ce qui me tient une et entière
Debout dans ce déluge d’images
Qui me fracasse le jour
Certains jours sans blanc ni rose
Que dis-je
Sans même une rose
Moussue et blanche
Troussée au velours d’une Renaissance
Crevée
Définitivement enfouie sous les décombres
D’un monde dégueulant son cadavre
Dans les vitrines qui embaument
Vois ma chute
Vois mon vertige
Remontant du bitume
Pas loin pourtant
Cette image
Non pas obsédante
Non pas attristante
Seulement présente
Pas loin pourtant
Une image
Ton éternité dans mon temps périssable
Ô ma piratesse des bois endormis
Tu te berces dans les branches
D’un pommier à l’acmé de sa floraison
Un oiseau a déposé sur mon oreiller
Un pétale blanc un pétale rose
Cette nuit éblouie d’il y a longtemps
Ô vagues des insomnies
Dentelées de tendresse
Ô nuit de marbre
Attendant un éclair
Pour couler l’aube qui approche
Friselis des vagues
La chambre claire à réinventer
Rideaux de dentelle
Horizon plat mais non monotone
Comme nos après-midis protégées
Des fractures d’horloge
Nos éternités fragmentées
Mais non sectionnées
Nos immortalités ressuscitées
Le temps d’un goûter
Suspendues comme une floraison
Ma définitive en ta beauté fixée
Depuis… depuis ma jeunesse révoquée
Arrêtée en plein vol par la mère nourricière
Mon horizontale vêtue de blanc
Derrière devant
Toujours la blancheur au sillage de cumin
Ma verticale poète aux mots crus
Rétablissant le dandy de latin
Pas de valse pirouette cacahuète
Pas loin une cascade de lilas
L’évanouissement à portée de baisers
Cette fusion qu’il faudra pourtant suicider
Pas loin un bosquet de roses
L’assomption dans un tour de taille
Glissé relevé déboulé en diagonal
Tout près ton visage
Des yeux trop grands pour moi
Comment te nourrir
Horizon ressassant son ressac amoureux
Le beau triangle calé dans ma mémoire
Comme voile iodée dans un jardin fantôme
Moi qui viens de la bruine aux contours indécis
Tes grondements déchirent le conforme
Dans le blanc mutique alentour
Ô mon exotique des grandes terres plates
Où la Baltique lèche une île aux pétunias
Je t’offre en ces jours parallèles où je t’écris
Des bijoux lents comme un dimanche
Des saphirs sertis de sentiers côtiers
Colère basse retirée au rythme de marée
Mots coquillages dans un verger de pommiers
Nacre et fleurs unies par l’écume
Ô tu dansais dansais en koré décalée
J’arpente au petit bonheur une grêve végétale
Aucune réponse à la devinette de l’océan
Le sable rosit derrière un vol de pétales
Sous ce ciel, cette nuit, loin de toute hypothèse :
Ton éternité dans mon temps périssable
In Esprit poétique n°3, © Hélices poésie, 2010
Internet
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La Pierre et le Sel | Ghyslaine Leloup, dans la mémoire de la poésie
Contribution de PPierre Kobel
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