La poésie « est au-dessus des règles et de la raison.
Elle ne pratique point notre jugement ; elle ravit et ravage. » Montaigne
Chaque jour un texte pour dire la poésie, voyager dans les mots, écrire les espaces, dire cette « parole urgente », cette parole lente, sa liberté dissidente. Pour se laisser ravir et ravager.
Viens, toi dernière, que je reconnais,
incurable douleur dans le tissu du corps :
comme j’ai brûlé en esprit, vois, je brûle
en toi ; le bois s’est longtemps refusé
à dire oui à la flamme que tu embrases,
mais maintenant je te nourris et brûle en toi.
Ma douceur d’ici devient dans ta rage
une rage d’enfer qui n’est pas d’ici.
Entièrement pur, sans plan, délivré du futur
je suis monté sur le bûcher compliqué de la souffrance
si sûr de n’acheter, nulle part, d’avenir
contre ce cœur où les réserves ont fait silence.
Est-ce encore moi, qui là méconnaissable brûle ?
Dans ce feu, je n’emporte pas de souvenirs.
Ô Vivre, Vivre : être dehors.
Et moi dans le brasier. Personne qui me connaisse.
[Renoncement. Ce n’est pas comme était la maladie
autrefois dans l’enfance. Sursis. Prétexte pour
devenir plus grand. Tout appelait et murmurait.
Ne mélange pas à cela ton étonnement des premiers temps]
Val-Mont, mi-décembre 1926
In Poèmes épars et fragments, 1897-1926, © Gallimard
Traduction Marc Petit
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Contribution de PPierre Kobel
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