La poésie « est au-dessus des règles et de la raison.
Elle ne pratique point notre jugement ; elle ravit et ravage. » Montaigne
Chaque jour un texte pour dire la poésie, voyager dans les mots, écrire les espaces, dire cette « parole urgente », cette parole lente, sa liberté dissidente. Pour se laisser ravir et ravager.
J’aime
J'aime que tu sois comme un chien
battant l'horizon en quête d'une luciole,
que tu grattes la poussière des jours, la croûte
des habitudes, d'une patte habile à dénicher la martre.
Parce que la fourrure de la martre te convient,
qu'elle est lustrée, qu'elle a de petites dents pointues
qui te chatouillent le sang et te font voir en rêve
des escaliers de pourpre où meurt la reine belle
et si pathétique en ses robes d'or fin.
Parce que les rues cachent aux yeux de tous des repaires
à faire la fête foraine, des filles molles et lascives
que tu roules en chiffons, que tu ploies à l'oubli,
à l'ivraie, aux menues besognes ménagères. Tandis que
sonne la grande orgue et que le vent d'hiver
coiffe ses grands chevaux.
J'aime que tu hantes les plafonds,
que tu caches tous les mouchoirs et remplisses les
étagères de coquillages et de papier journal.
Je t'aime de courir sur la neige,
de savoir l'envers du velours et la carte du Temps,
de fourrer de mardeuils mes oreilles et de préparer des cocktails
différents pour chacun des trois cent soixante cinq jours
et quart où nous invitons le hasard,
d'être triste quand je suis laide
et jaloux de ceux de mes gestes auxquels tu ne crois pas
J'aime que tu sois d'une autre race,
de celle des grands guerriers que le repos rouille et ronge,
de celle des marins à qui la terre ferme
chaloupe la démarche,
race de loups humant le vent du large et la femelle.
Toi que j'ai choisi parce qu'inaccessible,
soumis à la caresse, vaincu, apprivoisé
et qui ronges tes chaînes comme les grands voiliers.
In Poésie 1 n°6
Internet
Contribution de PPierre Kobel
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