La poésie « est au-dessus des règles et de la raison.
Elle ne pratique point notre jugement ; elle ravit et ravage. » Montaigne
Chaque jour un texte pour dire la poésie, voyager dans les mots, écrire les espaces, dire cette « parole urgente », cette parole lente, sa liberté dissidente. Pour se laisser ravir et ravager.
Doublure
Chaque matin je me dis au revoir.
Je sors de moi et tourne la clef dans la serrure.
Celle qui s’en va, inquiète et lourde, n’a rien à voir avec celle qui reste, altière et sereine.
Au bout de longues heures, elles se retrouveront, n’auront rien à se dire, dîneront face à face, se coucheront côte à côte, avec si la mémoire est bonne et la main secourable, un poème entre elles deux.
*
Chaque matin m’exalte.
J’ouvre les yeux et me recharge en mystère.
Celle qui embarque en moi, dans le blanc souvenir des asphodèles, cœur battant, rire large, coupe l’herbe sous le pied de la morte-saison.
*
Chaque matin, le ciel comme arche de bienfaits.
Je souris aux muscaris. Je m’appelle pluie. Je m’épelle vent, me nomme embellie, me surnomme feu-follet, m’invente aérolithe, me sacre parhélie.
Et si s’embrume l’éclaircie, le temps qu’il fait en moi rassure le climat.
*
Chaque matin, j’oublie qui m’habite.
Suis-je ancolie ou myosotis ?
Je réinvente mon histoire dans le vol vibrant d’une mouche, l’articulation souple d’une chatte grise.
Me plaît ce pouvoir de m’abstraire pour attenter à mes propres conjugaisons.
J’en ressors parfois anéantie, mais libre de bondir de travers.
*
Chaque matin, tu me touches et me dis viens…
Viens dans les couleurs qui nous appellent et nous refondent.
N’attendons pas que le jour tombe, que se fanent les pivoines ni que s’enrobent de vécu les à-peu-près du destin…
In ARPA 133-134, © Arpa, Octobre 2021
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Wikipédia | Béatrice Libert
Contribution de PPierre Kobel
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