La poésie « est au-dessus des règles et de la raison.
Elle ne pratique point notre jugement ; elle ravit et ravage. » Montaigne
Chaque jour un texte pour dire la poésie, voyager dans les mots, écrire les espaces, dire cette « parole urgente », cette parole lente, sa liberté dissidente. Pour se laisser ravir et ravager.
L’homme qui penche (extraits)
2.
S’amincir,
Émacier le texte le plus possible.
Chaque mot maintenant désigne la maison et l’habitant, la rencontre et la réparation.
La maison, l’habitant.
Je sais seulement qu’ils existent.
Seulement ça.
D’abord.
9.
Que seulement passent les heures.
Pour les empiler.
Pour conserver l’interrogation.
La délivrer des réponses.
18.
Depuis ce matin je tourne autour d’un petit poème dont rien n’est le centre. Les mots m’en éloignent. Avant d’y entrer il faudrait pouvoir en sortir. Les feuillets s’accumulent allant davantage vers le noir. Rien ne s’échappe de cette lumière, comme Perceval de la forêt.
Chaque mot écrit échappe à ce qu’il dit. On y retourne, plus aveugle encore.
42.
J’écris pour ne plus trop m’éloigner de ce que j’ai à faire.
Avec l’autre, celui qui voit tout : le buveur.
J’écris avec ce qui me reste, entre le pouce et l’index, dans un pincement d’étoile.
54.
Le langage n’a sans doute d’accessible que l’indicible. Et l’indéchiffrable.
L’accès n’est ni dedans ni dehors.
Introuvable et pourtant là.
L’imperceptible est notre seule et souriante complicité.
74.
De jour en jour je reprends le visage, le même visage inachevable, comme une trace presque effacée. Chacun peut le voir mais voir n’est qu’un élément du regard – son espace et sa limite.
Visage que je croise dans un des couloirs, près d’une porte ou fumant une cigarette dans l’entrée. Toujours lui, jamais le même. Des fois un salut ou un sourire, des fois : rien. C’est qu’en approchant du monde on s’éloigne de ses portes.
In L’homme qui penche, © Pleine page, 2008
Internet
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Wikipédia | Thierry Metz
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Allociné | L’homme qui penche Sortie en salles le 8 décembre 2021 du documentaire de Marie-Violaine Brincard et Olivier Dury, © Survivance, 2020
Contribution de PPierre Kobel
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