La poésie « est au-dessus des règles et de la raison.
Elle ne pratique point notre jugement ; elle ravit et ravage. » Montaigne
Chaque jour un texte pour dire la poésie, voyager dans les mots, écrire les espaces, dire cette « parole urgente », cette parole lente, sa liberté dissidente. Pour se laisser ravir et ravager.
La pensée redescend
de ses plus hauts étages
II n'y a plus de ressort
Une vapeur sacrée envahit le paysage
Je veux dire que la mort
A déjà pris presque toute la place dans la page
Et comme le vent du soir crie de plus en plus fort
Je ne saurai jamais ce que j'aurais dû dire
Ni ce que j'aurai fait en dehors du délire
À présent tout se tait
La passion refroidie lentement se retire
Du bon ou du mauvais
Du meilleur ou du pire
II ne reste pas de regrets
De soubresauts de songes
De tentatives avortées
De grimaces ou de mensonges
Car il n'y a rien
Au fond plus transparent des choses
Qui vaille le mal qu'on se donne
Pour en dire la vérité
Puisque le néant même
Dans sa gangue d'éponge
Est encore plus surfait
Le vent se tait
La voix se tait
Cette voix sans timbre
Sans couleur
Sans aucune vibration d'aucune sorte
Ces mots qui n'ont ni forme ni saveur
Comme les fruits les plus exquis sur une langue sans papilles
Et qui viennent pourtant
Inscrire en mon esprit
Les signes lumineux
Obsédants et précis
Comme les inscriptions sacrées
En langues mortes
De cet effondrement de l'être conscient
II reste la façade du palais aux mille rides
Où glisse le coin d'un sourire
Dans la rature éblouissante du présent
Quel que soit le moment
Où dire et ne pas dire
Soulève dans la coupe
Le même tremblement
De ces grands coups de vent
Qui soufflent les cervelles
De celle qui tient bon
À celle qui chancelle
Sous l'effort d'un suprême élan
Pour connaître
pour aimer
pour être
pour savoir
savourer la vie
Savoir vivre et mourir
Dans la même tempête
D'un même glissement
Et sur la même ligne
Dans cet espace nul qui sans cesse recule
Plus sombre au verseau du néant
Ce néant auquel je faisais
allusion tout-à-l'heure
Et d'ici là vous n'aurez
même pas le temps
De savoir qui rit ni qui pleure
In Sable mouvant, © Poésie/Gallimard, 2003
Internet
-
Wikipédia | Pierre Reverdy
-
La Pierre et le Sel |Pierre Reverdy, un poète mystique à l’aube du surréaliste, une contribution d’Hélène Millien
Contribution de PPierre Kobel
Commentaires