La poésie « est au-dessus des règles et de la raison.
Elle ne pratique point notre jugement ; elle ravit et ravage. » Montaigne
Chaque jour un texte pour dire la poésie, voyager dans les mots, écrire les espaces, dire cette « parole urgente », cette parole lente, sa liberté dissidente. Pour se laisser ravir et ravager.
prière à moi-même
sur moi-même je pose mon oreille comme si j’étais un autre.
mes yeux débordent de visions chantantes —,
je fouille en ton mystère — veines de marbre :
scellés sont tes secrets, qui les a scellés ?
pour qui est la musique de tes rêves non révélés ?
musique de mains, de lèvres. symboles de sons dans les ténèbres.
musique de pluie, d’arc-en-ciel — au-delà, au-delà.
tu es une ruche derrière un feu que je ne peux approcher.
tu me nourris de sons hachés — tes abeilles.
parfois une abeille se perd dans le désert
elle goûte un éclat de peau, aveuglée de beauté,
une autre : pose un baiser sur une fleur empoisonnée et meurt.
avec des symboles de sons, telles des aiguilles,
j’enferme mes plaies dans des muscles de papier.
tout ce que j’ai chanté jusqu’ici est pauvre
comparé aux trésors que tu as scellés en moi.
chaque son est un écho de l’énigme abyssale
et chaque pas m’éloigne de la ruche mystérieuse.
le temps — cire bleue. goutte à goutte elle fond.
ô silence hors du temps ! retour des abeilles
de leur lointaine trajectoire ensoleillée.
laisse-moi pénétrer en toi, comme le sang dans le sang,
pour qu’une fois je sente la piqûre de la reine-abeille.
In heures rapiécées, © l’éclat, 2021 — Traduction du yiddish par Rachel Ertel
Internet
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Wikipédia | Avrom Sutzkever
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Éditions de l’éclat | Heures rapiécées
Contribution de PPierre Kobel
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