La poésie « est au-dessus des règles et de la raison.
Elle ne pratique point notre jugement ; elle ravit et ravage. » Montaigne
Chaque jour un texte pour dire la poésie, voyager dans les mots, écrire les espaces, dire cette « parole urgente », cette parole lente, sa liberté dissidente. Pour se laisser ravir et ravager.
Abondance
Les choses que j’ai gâchées, jetées et perdues,
Parce que j’en possédais en abondance, et m’éjouais parmi elles,
Sont très proches en ce moment où je recense les sommes dépensées.
J’aime leur marque sur le côté débit du registre gris.
Il y eut la beauté que je n’ai pas voulu voir,
Étant ce jour-là ensommeillé, engourdi, ou occupé à lire,
Et les années pareilles à du bruit mûr pourrissant sous l’arbre,
Et des clairs de lune pendant lesquels j’ai dormi, et des amis que j’ai délaissés.
Qu’importe s’il me reste encore assez de feu
Pour me réchauffer jusqu’à ma mort (ou presque) ?
La vie est flamme, flamme aussi haute qu’une tour qui brûle.
Elle ne consiste pas en quelques braises près desquelles on s’accroupit, tremblant et nu,
Ni en bouts de chandelles à demi consumées. Elle est l’été à son commencement,
Sans tic-tac d’horloge ni soleil couchant.
In Présentation critique d’Hortense Flexner suivi d’un choix de Poèmes, © Gallimard, 1969 – traduction de Marguerite Yourcenar
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Contribution de PPierre Kobel
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