La poésie « est au-dessus des règles et de la raison.
Elle ne pratique point notre jugement ; elle ravit et ravage. » Montaigne
Chaque jour un texte pour dire la poésie, voyager dans les mots, écrire les espaces, dire cette « parole urgente », cette parole lente, sa liberté dissidente. Pour se laisser ravir et ravager.
De tout ce qui se tait, de tout ce qui s’éteint, j’ai peur
Du silence nocturne des ruelles sombres
Lorsque je comprends
Que demain fera naître de nouvelles terreurs
Et des humains à deux têtes
Et aux bras si longs
Qu’ils peuvent atteindre le tréfonds de chaque vie
Atteindre jusqu’aux ruines de mes croyances
Du silence du nouveau-né dans son berceau, j’ai peur
Lorsque chaque matin en ouvrant les yeux
À la place de son père, il voit un fusil accroché au mur qui lui dit bonjour
À l’idée que quelques années plus tard
Il apprendra les additions et les multiplications dans la langue des balles
Et la soustraction en voyant la place vide de ses camarades de classe
Devenus cadavres dans la nuit
Des longues barbes hypnotiques des hommes, j’ai peur
Lorsque je comprends
Qu’elles trament les cordes des pendaisons collectives
De tout ce qui se tait, de tout ce qui s’éteint, j’ai peur
Du silence de Dieu aussi
Dieu, absolument inaccessible aux petites mains suppliantes des orphelins.
In Le cri des femmes afghanes, © Bruno Doucey, 2022
Internet
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Éditions Bruno Doucey | Le cri des femmes afghanes
Contribution de PPierre Kobel
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