La poésie « est au-dessus des règles et de la raison.
Elle ne pratique point notre jugement ; elle ravit et ravage. » Montaigne
Chaque jour un texte pour dire la poésie, voyager dans les mots, écrire les espaces, dire cette « parole urgente », cette parole lente, sa liberté dissidente. Pour se laisser ravir et ravager.
Fin et début
Après chacune des guerres
il faut bien nettoyer
Un peu d’ordre dans tout ça
ne se fera pas tout seul.
Quelqu’un doit bien écarter
les gravats qui encombrent les routes,
sinon, comment passeraient
les charrettes pleines de cadavres.
Quelqu’un devra patauger dans
la fange et les cendres
les ressorts des divans
les débris de verre
les haillons sanglants.
Quelqu’un doit traîner la poutre
qui calera le mur.
Quelqu’un doit remplacer
et regonder la porte.
C’est pas photogénique,
et ça prend des années.
Toutes les caméras sont déjà
parties voir une autre guerre.
Il faut des ponts encore,
et des gares à nouveau.
Les manches seront en lambeaux,
tant on les retroussera.
Quelqu’un, balai à la main,
se souvient comment c’était.
Un autre écoute, en hochant
la tête, toujours à sa place.
Mais près de ces deux-là
tournent déjà quelques autres
que ces histoires embêtent.
Parfois encore quelqu’un
déterre sous un buisson
de vieux arguments rouillés,
qu’il jette sur le tas d’ordures.
Ceux qui sont au courant
du pourquoi du comment
céderont bientôt la place
à ceux qui en savent peu.
Puis à ceux qui en savent prou.
Et enfin, rien du tout.
Dans l’herbe qui a poussé
sur les causes et sur les effets
il faut entendre quelqu’un qui se couche
un épi entre les dents
à regarder les nuages.
In De la mort sans exagérer, © Poésie/Gallimard, 2018 – Traduction du polonais par Piotr Kaminski.
Repris in Sœurs #8 – Guerre, 2022
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Contribution de PPierre Kobel
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