La poésie « est au-dessus des règles et de la raison.
Elle ne pratique point notre jugement ; elle ravit et ravage. » Montaigne
Chaque jour un texte pour dire la poésie, voyager dans les mots, écrire les espaces, dire cette « parole urgente », cette parole lente, sa liberté dissidente. Pour se laisser ravir et ravager.
L’incendie (extrait)
Déjà tu te détournes
ce qui fut
[…]
tout cela n’existe
que dans ta mémoire
Tout cela que tu n’as pas connu
enfant courant les rues passant l’hiver
sur les rives gelées de Mose ton fleuve
tout cela que tu tiens des récits
colportés alentour des récits
de ta mère
tout cela est parti en fumée
en quelques heures
comment ce jour-là
celui qui deviendrait ton père
jeune apprenti cordonnier
occupé à façonner pour son maître
semelles de bois souliers et patins
comment a-t-il pu rester cloué à l’établi
comment a-t-il pu résister dans cet antre
jusqu’à ce que s’effondrent
autour de lui murs et charpentes
comment a-t-il pu échapper
aux flammes au vacarme
de la tourmente fuir
les tourbillons de feu
tu ne le sauras jamais
ton père frappé de mutisme
garde emmuré dans son silence
le souvenir du chaos de feu
Le feu avait pris
du côté de la dinanderie
mais non point à la grande forge
qui l’anime
une pluie d’huile bouillante soudain
a embrasé la ville entière
de sorte qu’il était impossible
de distinguer d’où venait
l’embrasement
du ciel ? Colère de Dieu et foudre ?
De la terre ? Flammes des forges de l’enfer ?
En un instant
tout fut en flamme
tout fut détruit
les récits des anciens
glanés ici et là
d’une rive à l’autre de Mose
les récits de ma mère
avaient embrasé mon imagination
et leurs mots dès lors devinrent
toile de fond de mon paysage
In Le dernier rêve de Patinir, © Henry, 2022
Internet
Contribution de PPierre Kobel
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