La poésie « est au-dessus des règles et de la raison.
Elle ne pratique point notre jugement ; elle ravit et ravage. » Montaigne
Chaque jour un texte pour dire la poésie, voyager dans les mots, écrire les espaces, dire cette « parole urgente », cette parole lente, sa liberté dissidente. Pour se laisser ravir et ravager.
je passe le fil bleu ciel dans le chas de l’aiguille
Sylvain m’a demandé de lui recoudre son pantalon
Sylvain c’est un joli prénom qui glisse de toutes ses lettres
tout est matière à écriture
j’enfile le vivre et le mourir
je pique l’aiguille je tire le fil
je couds je couds dans l’espoir maigre que la
couture tienne – fil peu solide
je m’épuise de coudre
– la psychologue : ma vie la laine : tricoter quelque chose
avec –
mon prime geste de quotidienne fatigue
recoudre
une fois finie la couture tout
recommencer
mon œuvre n’est pas parfaite
je veux tâcher d’œuvrer mieux que pour moi-même
je couds comme un acte de tendresse
je tremble sur le chas de l’aiguille
c’est bien parce que c’est toi ai-je dit
le lien la couture Sylvain
est de mon village
fébrile je tremble en piquant
peut-être me piquerai-je et dormirai-je
cent ans
dans la beauté des pierres
Sylvain m’appelle
souvent fait retentir mon nom
dans le couloir Anne
on est
en pays de connaissance
au début la honte
aujourd’hui la fierté – tout aussi injustifiée –
d’avoir osé la descente
chez les morts
un jour m’acheter des vêtements
comme le paraître-au-monde
moins futile que
pensée imaginaire –
y prêter attention ténue
tous ces fous qu’il
me faudrait remercier de
l’écriture –
si l’on s’habitue à la folie d’un fou
on oublie et ce n’est
rien
In Les accouchantes nues, © unicité, 2022
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Contribution de PPierre Kobel
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