La poésie « est au-dessus des règles et de la raison.
Elle ne pratique point notre jugement ; elle ravit et ravage. » Montaigne
Chaque jour un texte pour dire la poésie, voyager dans les mots, écrire les espaces, dire cette « parole urgente », cette parole lente, sa liberté dissidente. Pour se laisser ravir et ravager.
Voilà que cette terra incognita
est franche comme jamais en été :
les rivières muettes,
les champs baignés par un faible soleil,
les bras maigres des arbres dans la camisole des neiges
n’aspirent qu’à la paix.
Tout est si calme
que l’on peut entendre
le sang se glacer dans les veines de ta terre.
Et pourtant, le printemps viendra,
turquoise,
sucré, aigre comme un gorgonzola.
Les oiseaux reviendront,
ils s’installeront à nouveau dans la dépouille glacée des nids.
Tout sentira la terre grasse.
La tendresse coulera de toutes parts.
Chaque grain cherchera une cachette chaude et humide.
Tu marcheras longtemps,
le vent léchera avidement tes lèvres gercées,
le bourbier du temps clapotera sous tes pieds,
et ce sera
comme si toutes les terres sans abri étaient nommées,
comme si tous les voyageurs étaient rentrés à l’heure
comme si toutes les guerres étaient finies,
comme si toutes les pierres éparpillées se trouvaient rassemblées,
s’il suffisait d’aller de l’avant,
sans même savoir où l’on se rend.
In Ukraine — 24 poètes pour un pays, © Bruno Doucey, 2022
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Contribution de PPierre Kobel
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