La poésie « est au-dessus des règles et de la raison.
Elle ne pratique point notre jugement ; elle ravit et ravage. »
Montaigne
Chaque jour un texte pour dire la poésie, voyager dans les mots, écrire les espaces, dire cette « parole urgente », cette parole lente, sa liberté dissidente. Pour se laisser ravir et ravager.
Salah Oudahar
Les exilés, les émigrés et autres réfugiés sont les ancêtres et les héritiers coupables, encombrés et encombrants, des identités flottantes et des socles liquides.
L’expérience de l’exil est la quintessence même de l’idée de rupture, rupture radicale et irréversible, et du deuil nécessaire, mais impossible.
II n’y a pas pire malentendu que celui du retour
Retour sur les lieux et les visages aimés, les fièvres de la jeunesse, l’odeur du sel et des algues, l’été…
Nous revenons certes mais radicalement différents, autres, comme habillés d’un autre visage, d’une autre histoire, d’un autre destin, dépouilles de la vue et de l’odorat d’antan, de l’autre temps, d’avant ce temps. D’avant le temps…
Nous ne faisons pas, ou nous faisons, mais en défaisant sur les ruines de nos certitudes, de nos pertes, de nos abandons.
Et nous changeons alors de sommeil en nous exilant sur autre port de la nuit tombante où nous persistons a faire patienter nos bateaux et nos horizons, nos clameurs et nos silences ; fermant les yeux sur nous-mêmes et sur cette mer qui nous submerge, nous écrase de ses songes et de ses absences ; rides creusant obstinément, nous laissant aller malgré tout ou précieusement à cause de tout a des échos d’une époque d’avant mémoire, à des chœurs d’un autre pays, d’un autre continent, appels inintelligibles, couleurs grisonnantes, sons vacillants, qu’emporte déjà le reflux des vagues.
In Décharge 194, © Décharge, 2022
Internet
Contribution de PPierre Kobel
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