La poésie « est au-dessus des règles et de la raison.
Elle ne pratique point notre jugement ; elle ravit et ravage. »
Montaigne
Chaque jour un texte pour dire la poésie, voyager dans les mots, écrire les espaces, dire cette « parole urgente », cette parole lente, sa liberté dissidente. Pour se laisser ravir et ravager.
Tes doigts
Qui se souviendra de tes doigts ?
Leur vie légère ? Ils semblaient voler,
Suivre la lumière de ton regard.
Au piano, rythmant de vieux airs des années quarante,
Ils prenaient d’eux-mêmes le rôle du bouffon, impassibles pantins.
Tu leur demandais seulement d’être dans le ton.
Mais lorsque tu parlais, tes yeux révélant
La lumière stroboscopique de ton exultation,
Ils frémissaient, vacillaient comme d’aériennes ballerines.
Je pensais à des oiseaux en quelque parade sexuelle
Sous les tropiques, sautant et faisant la culbute,
Accomplissant d’étranges choses dans les airs, et retombant dans la poussière.
Ces danseurs de ton excès.
D’une telle habileté, une telle précision de toucher.
Penser leurs propres pensées était comme une caresse
Qui éclairait le rouge à lèvres aux coins de ta bouche.
Impeccables chefs d’orchestre de ta compétence,
Cabriolant sur ta machine à écrire,
Possédés par un esprit enfantin, espiègle
Qui s’amusait à imiter, à danser chaque geste,
Avec tant de légèreté, tant de brio.
Je me souviens de tes doigts. Et les doigts de ta fille
Se souviennent de tes doigts
Dans tout ce qu’ils font.
Ses doigts obéissent et font honneur à tes doigts,
Les Lares et les Pénates de notre maison.
In Birthday Letters, © Poésie/Gallimard, 2015 – traduction par Sylvie Doizelet
Internet
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Wikipédia | Ted Hughes
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Babelio | Birthday Letters
Contribution de PPierre Kobel
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