La poésie « est au-dessus des règles et de la raison.
Elle ne pratique point notre jugement ; elle ravit et ravage. »
Montaigne
Un texte pour dire la poésie, voyager dans les mots, écrire les espaces, dire cette « parole urgente », cette parole lente, sa liberté dissidente. Pour se laisser ravir et ravager.
Fernando Pessoa
(Alvaro de Campos)
Sonnet
Moi, lorsque je m'observe, eh bien je n'y vois goutte.
J'ai pris ce tic de ressentir si haut et fort
Que bien souvent je me fourvoie lorsque je sors
Des sensations senties afin que je les goûte.
Je hume l'air et je déguste les liqueurs :
C'est là être existant à ma propre façon,
Et j'ignore toujours quelle est la conclusion
Des sensations que je conçois contre mon coeur.
Au fait je n'ai jamais cherché à calculer
Si je sens bien ce que je sens, s'il est possible
Que je sois tel et quel je semble en vérité,
Si je me juge moi en usant du bon crible.
Devant les sensations je suis un peu athée :
Est-ce moi qui ressens en moi? Manque la clé.
Soneto
Quando olho para mim não me percebo.
Tenho tanto a mania de sentir
Que me extravio às vezes ao sair
Das préprias sensaçôes que eu recebo.
O ar que respiro, este licor que bebo,
Pertencem ao meu modo de existir,
E eu nunca sei como hei-de concluir
As sensações que a meu pesar concebo.
Nem nunca, propriamente, reparei,
Se na verdade sinto o que sinto. Eu
Serei tal quai pareço em mim? Serei
Tal qual me julgo verdadeiramente ?
Mesmo ante as sensações sou um pouco ateu,
Nem sei bem se sou eu quem em mim sente.
In Anthologie essentielle, © Chandeigne, 2016 – Traduction par Patrick Quillier
Internet
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Wikipédia | Fernando Pessoa
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La Pierre et le Sel | Fernando Pessoa, le poète aux mille masques
Contribution de PPierre Kobel
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