La poésie « est au-dessus des règles et de la raison.
Elle ne pratique point notre jugement ; elle ravit et ravage. »
Montaigne
Un texte pour dire la poésie, voyager dans les mots, écrire les espaces, dire cette « parole urgente », cette parole lente, sa liberté dissidente. Pour se laisser ravir et ravager.
Fin d'après-midi, l'été
J'ai grimacé avec le doute
devant les promesses du monde moderne
et ses misérables lampions pour éclairer l'impasse
le nouveau monde était déjà si ancien
en fin d'après-midi l'été
je partais à la cueillette des sensations
par les rues bordées de platanes et de marronniers
il fallait connaître les bons coins
assis à une terrasse de café
j'assistais l'été à la lente agonie du jour
dans le décrépit des façades
du côté de la gare du Nord ou de l'Est
mais les plus belles flaques de lumière
je les trouvais dans les yeux des passantes
mon regard n'avait pas le temps de s'y baigner
mais cela suffisait pour me rafraîchir la vision
Paris avait soudain la douceur des collines
le fruité des lèvres inconnues arrachées aux affiches
comme un goût de framboise poivrée
et je repartais dans le soir flottant
portant ailleurs mes rêves exotiques
je menais ma jonque par les rues de Paris
voile noire dressée au moindre vent
l’œil aux aguets
je me laissais guider par les réverbères
du côté de Saint-Germain-des-Prés de Mouffetard
ou parmi les récifs de quartiers réputés dangereux
mais je ne craignais rien
ma vie avait déjà fait naufrage
j'avais appris à me rendre invisible
et je cherchais le feu dans la nuit du cristal.
In Le texte impossible suivi de Le vent effacera mes traces, © Arfuyen, 2023
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Passager clandestin de la pensée, le blog personnel d’Alain Roussel
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Éditions Arfuyen | Le texte impossible
Contribution de PPierre Kobel
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