Un jour, un texte : Béatrice Douvre | Pour qui brûle la nuit

La poésie « est au-dessus des règles et de la raison.
Elle ne pratique point notre jugement ; elle ravit et ravage. »
Montaigne

Un texte pour dire la poésie,
voyager dans les mots, écrire les espaces,
dire cette « parole urgente », cette parole lente, sa liberté dissidente.
Pour se laisser ravir et ravager.

Béatrice Douvre

Pour qui brûle la nuit

Et la nuit neige heureuse ou est-ce un songe
Sur ce pays où tout pourrait s’accroître
Tout s’assembler tout mieux s’étendre
Neige couleur du froid qui tombe

Tout ce qui n’a pas fui toi que j’espère
L’oiseau vient bas ici bleu et violent
Ne t’effraie pas de ce qui vient l’hiver
Tout peut s’éteindre ou prendre flamme

Quelqu’un pleure et te parle tu es seule
Des oiseaux crient de froid sur le ciel
Celui qui vient t’effraie terre aveugle
Parce qu’il ressemble à ta naissance
Et le temps brille
Dans la beauté du tout qui tremble

Neige couleur du froid qui tombe
Toi le passage quand il saigne
Toi l’excessive
De quel amour le monde est-il bougé
Neige du peu ? Au début de l’ardeur
Neige du tout ?

Creuse pour nous la nuit ces grandes roues de cuivre

Des oiseaux crient de froid sur le ciel
Des parfums jaunes d’herbe déjà sonnent
Mais tu es seule celui qui vient t’effraie
Parce que ton âme est presque sienne
Et d’un seul battement d’été pur
D’une grange grise

Où la vigueur mesure
De moire en moire.

In Œuvre poétique, préface de Philippe Jaccottet, Voix d’Encre, 2000

Internet

• Wikipédia | Béatrice Douvre

• La Pierre et le Sel | Béatrice Douvre, l’invisible est un miracle

Contribution de PPierre Kobel