La poésie « est au-dessus des règles et de la raison.
Elle ne pratique point notre jugement ; elle ravit et ravage. »
Montaigne
Un texte pour dire la poésie,
voyager dans les mots, écrire les espaces,
dire cette « parole urgente », cette parole lente, sa liberté dissidente.
Pour se laisser ravir et ravager.
Émilie Deseliène
mon corps n’est plus le mien
ni ma peau ni mon ventre ni mes seins
je suis devenue ce corps
fendu dans la tranchée
tranché par la nuit
nuisible pour lui-même
je suis ce corps qui traque encore sa liberté
entre les draps du lit défait
je me dresse et un serpent glisse
sous la courbe de mes paupières
jusqu’à l’os de ma hanche
s’enroule autour de ma poitrine
pour mieux sonner l’alerte :
dans la petite chambre aux murs jaunes
la vie s’éveille à pleins poumons
je me lève sans bruit – ombre qui danse
avec mon serpent dans le cœur
devant la cafetière je m’endors
je suis là sans vraiment l’être
et dans ma tête c’est le carnage
nuée blanche de fleurs sauvages et carnivores
dans cette tête il y avait des mots
mais depuis longtemps je les ai perdus
si j’écrivais je chanterais peut-être une ode
au sommeil qui n’est plus
à la tétine perdue dans le noir
à toutes les pipettes de doliprane
et au coton qui colle sur le parquet
sur les ruines d’un autre monde
– qui m’a oubliée
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Contribution de PPierre Kobel
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