La poésie « est au-dessus des règles et de la raison.
Elle ne pratique point notre jugement ; elle ravit et ravage. »
Montaigne
Un texte pour dire la poésie,
voyager dans les mots, écrire les espaces,
dire cette « parole urgente », cette parole lente, sa liberté dissidente.
Pour se laisser ravir et ravager.
Ce mois de mai 2025, les éditions Bruno Doucey fêtent leur 15 ans d’existence. Une longue aventure que j’ai partagé depuis ses débuts par l’amitié et des collaborations. C’est l’occasion durant quelques jours de célébrer cet anniversaire en mettant le projecteur sur les livres et les auteur(e)s de cette maison, emblématique de l’engagement et de la vitalité de la poésie la plus contemporaine, de l’ouverture au monde et du souci de le préserver contre les rapaces et les destructions de toutes sortes.
Ceija Stojka
Auschwitz est mon manteau
Auschwitz ist mein mantel
du hast angst vor der finsternis ?
ich sage dir, wo der weg menschenleer ist,
brauchst du dich nicht zu fürchten
ich habe keine angst.
meine angst ist in Auschwitz geblieben
und in den lagern.
Auschwitz ist mein mantel
Bergen-Belsen mein kleid
und Ravensbrück mein unterhemd.
Wovor soll ich mich fürchten ?
Auschwitz est mon manteau
tu as peur de l’obscurité ?
Je te dis que là où le chemin est dépeuplé,
tu n’as pas besoin de t’effrayer
je n’ai pas peur.
Ma peur s’est arrêtée à Auschwitz
et dans les camps.
Auschwitz est mon manteau,
Bergen-Belsen ma robe
et Ravensbrück mon tricot de peau.
De quoi faut-il que j’aie peur ?
In Auschwitz est mon manteau, © Bruno Doucey, 2018
Traduction de François Mathieu
***
Nassuf Djailani
Je suis là mon amour
en toi, contre toi
sur toi
en dessous de toi
relié à toi
me ressens-tu
je te chevauche
et te mène loin
dans ce lointain ensorcelant
qui nous rend si forts
si complets
si uniques
me ressens-tu amour
l’étendue de mon souffle
sur l’étendue de ton corps
ton cœur que je ressens
ton souffle me soulève
et m’emporte
je m’accorde au rythme de tes hanches
et je remonte jusqu’à tes seins
dévorer délicieuse giclée de lait frais
à ta bouche
le salé de ta fougue
à me vouloir encore plus intense
plus enfiévré, plus gourmand
je dévore, vents, je me délecte
je te lape petite fleur cachée
de tes cuisses chaudes
me ressens tu
viens amour
je viens à toi
délivré
et
sur la route nous nous en irons
encore
et nous exploserons
comme bourgeonne une fleur
à l’éclatement du soleil
où es-tu ?
Je meurs de ton absence
In Daïra pour la mer, © Bruno Doucey, 2022
Internet
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Un article de Florence Aubenas | Ceija Stojka, à la découverte d’une artiste rom et déportée
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Wikipédia | Nassuf Djailani
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Éditions Bruno Doucey | Daïra pour la mer
Contribution de PPierre Kobel
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