Blason de la dernière version papier des Carnets d’Eucharis, le lis d’Amazonie photographié par Nathalie Riera, qui dirige la revue internet du même nom. On connaît bien le site qui propose régulièrement des notes critiques et la présentation de poètes francophones ou traduits (une iconographie, des articles, des liens…). Cette revue annuelle marque la volonté de Nathalie Riera de diversifier les supports pour offrir « les mots comme autant de tracés, de traces, et bruits de sources ».
On retrouve la ponctuation des photos, fleur ou papillon, monarque échoué que l’on voudrait protéger par la caresse d’une feuille ou déclinaison de variations imperceptibles : les ciels d’Éric Bourret laissent percer un noyau lumineux pris dans les nuages vaporeux (traîtres yeux du songe, l’image crépusculaire ou augurale nous traverse), dans un portfolio de 16 pages accompagné d’un texte de François Coadou.
Alors, nous lisons les poèmes :
« Quelques torches
allumées sur nos steppes
les prenons pour
des arbres »
Rien de neutre, les amers poétiques de Jean-Louis Bernard renouent le présent à la fibre préhistorique. Les poèmes proposés sont tantôt des inédits, tantôt des poèmes choisis dans l’œuvre déjà publiée d’un auteur comme ceux d’Étienne Faure qui ouvre la revue après l’éditorial, textes éclairés par l’entretien sur La vie bon train (éd. Champvallon) que mène Tristan Hordé : la gare comme lieu réel de passage certes, mais aussi perçue dans des « descriptions imaginaires » grâce à une « prose à demeure, pour un travelling circulaire », ce qui permet d’évoquer « [l]e déploiement de la phrase » qui n’est pas le même en vers ou en prose.
Inédits, les fragments de Marie Étienne : pour chaque paragraphe une amorce de lieu, des bribes de récit les suivent et nous font pénétrer « autour du pot à miel qu’est le soleil ».
Inédites également les listes poétiques de Corinne Le Lepvrier et d’Aurélie Foglia :
« /enfant on garde ses trésors tout près du lit de l’oreiller où reposer la tête dans la poche de la robe chasuble dans le cartable dans le livre où déposer ses mains dans le sourire où se cacher
[…]
/enfant engoncée dans un anorak je suis potelée désolée il semble assise sur un banc comme posée déposée là ; je vais devenir une femme menue ; je vais rester petite ce sera ma forme désolée définitive je crois » (Corinne Le Lepvrier)
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« Avoir perdu
la main.
Sourire au mot
poésie.
Mal interpréter
ce sourire.
Chercher une écriture
en chair forgée.
Voir sans les yeux.
Fouiller des lèvres.
Peindre avec la langue. » (Aurélie Foglia)
Cela dans le cadre de pages bordées par un fil rouge, couleur qui traverse d’ailleurs la revue : chapitres du sommaire, titres des groupements ou nom des artistes selon les parties.
Après « Au pas du lavoir », « le chantier du photographe » : Claude Minière (qui offre aussi des poèmes « numériques ») évoque Stéphane Mallarmé dans ses rapports à la photographie de Nadar et à la peinture de Manet.
« En haut du pré » propose une anthologie de textes contemporains. Paul-Louis Rossi, dans La Raison pure, rapproche Thomas de Quincey et Emmanuel Kant. Richard Skryzak retrace son parcours dans Les Rêveries d’un vidéaste solitaire…
« Traduction » propose des poèmes en version bilingue.
« Portraits – Lectures critiques » présente des études le plus souvent détaillées. Une petite anthologie de poèmes de Mina Loy (traduits par Olivier Pert) suivie d’un article de Nathalie Riera constituent un véritable dossier pour découvrir la poète anglaise. Le texte d’Angèle Paoli nous fait entrer dans Douceur du cerf, de Marie Huot, qui nous entraîne dans l’univers de Giono, en passant par la mer chère à la poète qui, grâce au cerf, dénoue la mémoire en faisant des disparus le tissu du livre.
Force des Carnets d’Eucharis qui, dans une diversité vivante, allie les images du texte poétique à l’analyse en n’hésitant pas à parcourir la poésie du monde.
Info
Nathalie Riera sera présente le
VENDREDI 16 MAI 2014 à 20 h
à L’Observatoire du livre et de l’écrit « Le MOTif »
6, villa Marcel-Lods
Passage de l’Atlas
75019 Paris
Internet
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Nathalie Riera et les Carnets d'Eucharis dans La Pierre et le Sel
Contribution de Isabelle Lévesque
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