En exergue de son récit Syngué sabour, Atiq Rahimi précise qu'il est « écrit à la mémoire de Nadia Anjuman — poétesse afghane sauvagement assassinée par son mari — ».
Poétesse et journaliste afghane, Nadia Anjuman née en 1980 est morte le 4 novembre 2005 à Herat.
Sixième enfant d'une grande famille, elle a poursuivi des études interrompues par le régime des talibans mais elle a secrètement étudié la littérature et commencé à publier ses textes poétiques dans la clandestinité d'un cercle littéraire.
Elle a manifesté un profond engagement pour la poésie malgré les risques que représentait le fait d'écrire. Elle a publié en 2005 un recueil de poèmes, Gul-e-dodi (Fleurs rouges sombres).
Tout jusqu'aux dires de policiers, semble attester que Nadia Anjuman est vraisemblablement morte sous les coups de son mari, Farid Anjuman, dans leur appartement de Herat. L'affaire a néanmoins été classée avec la mention "suicide", et son mari - qui a reconnu avoir battu sa femme mais non l'avoir tuée - élève librement leur enfant.
Elle illustre l'engagement en poésie mené à l'extrême puisque c'est du fait même d'être poète qu'elle est morte, sa famille et son mari ne supportant pas qu'elle se donne à la poésie. Des poètes sont morts pour leur engagement politique, leurs prises de parti, elle est morte de l'intolérance pour son écriture parce qu'elle y dénonçait les conditions d'enfermement dans lesquelles les femmes de son pays étaient maintenues et le désespoir auquel cela conduisit nombre d'entre elles. Leili Anvar évoque chez Anjuman "un immense chagrin directement lié à son statut de femme et d'Afghane, comme une douleur d'être et une difficulté à trouver une voix audible".
Sa mort trouva un très grand écho dans son pays. Au-delà de son destin tragique, sa poésie est célébrée et reconnue dans le monde persan mais elle est également traduite en italien, en anglais et maintenant en français. Un deuxième recueil de 80 poèmes a été récemment publié. Il est nécessaire de donner à cette auteur et à son œuvre la place importante qu'elle mérite malgré sa disparition précoce.
Illumination
Voici la nuit : la poésie illumine mes instants
Voici l'exaltation qui peigne mes cordes vocales
Quel est ce feu, merveille étrange, qui m'abreuve ?
Voici que le parfum de l'âme embaume le corps de mes rêves
Je ne sais de quelle montagne, de quel sommet d'espoir
Voici que souffle une brise nouvelle sur la saison de ma fin
Du halo de lumière me vient une transparence, luminescence
Voici que n'ont plus d'autre désir mes larmes et mes soupirs
Les étincelles de mes plaintes font une poussière d'étoiles
Voici que la colombe de mes prières fait son nid dans l'empyrée
Mes larmes incontrôlées sur les lignes de mon livre
Voici qu'elles tombent, goutte à goutte, vois-tu ô mon Dieu
De mes paroles dans un cahier, de mes mots tumultueux
Voici que gronde une tourmente, fruit de mon silence obstiné
Aube, chère aube, ne déchire pas la soie imaginaire
Voici que je suis plus heureuse la nuit, quand poésie illumine mes instants
Traduction de Leili Anvar
Internet
PPierre Kobel
Bravo pour votre blogue simple et pratique et pour m'avoir fait découvrir une poète que je ne connaissais pas.
Rédigé par : Fulvio Caccia | 22 août 2011 à 13:48