Odile Caradec est née à Brest en 1925. Au cours de son enfance à Camaret, dans le Finistère entre Brest, Quimper et Camaret , elle a connu le poète Saint-Pol-Roux. Après la guerre, elle a rencontré son mari en Allemagne, où elle acquit une formation de germaniste. D'abord professeur d'allemand, elle fut ensuite documentaliste durant 21 ans au lycée Camille Guérin de Poitiers, où elle réside actuellement.
Retraitée, elle s’est alors consacrée à ses deux passions : la musique et la poésie. Pratiquant assidûment le violoncelle, dont elle a commencé l’étude dès l’âge de sept ans, elle a fait longtemps partie de groupes de musique de chambre . Désormais c’est la poésie qui occupe toute sa vie.
Odile Caradec a fait une entrée tardive dans le monde de la poésie, mais dès ses premiers recueils elle attire l’attention de ses aînés. Robert Sabatier lui consacre plusieurs pages dans « La poésie au XXème siècle » ( tome 3, Albin Michel, 1988 ).
Avec des recueils aux titres surprenants, une liberté de ton qui désacralise le côté trop solennel des choses, un humour constant qui ne craint pas d’aller jusqu’à l’autodérision, A l’âge des tisanes…, je prends mon vol, sa poésie n’a rien de conventionnel.
Tout la passionne et l’émerveille, la reliant « au fil d’or du poème ». Trouvant partout son inspiration, y compris dans les tâches les plus humbles, elle mêle allègrement cuisine et poésie. « Ce que je veux c’est la vie, écrit-elle, et non ce qui est figé pour toujours dans les assiettes bretonnes ».
Chacun de ses recueils « est une nouvelle rencontre avec la vie, un hommage au vivant de tous horizons. Toujours elle s’élève au-dessus des angoisses que l’on pressent » (Bernard Desmaretz). Son écriture nous libère de nos peurs, les détournant sans cesse comme par enchantement. De son style inimitable, elle a le don d’exorciser la vieillesse et ses tourments, leur faisant « de délicieux pieds-de-nez », selon la belle formule de Jean-Claude Martin.
Omniprésente, la mort fait partie des personnages familiers qu’elle côtoie depuis longtemps pour mieux l’apprivoiser. Elle la chante en femme libre, dans une série d’épitaphes burlesques, où « son âme en pyjama se promène la nuit ». « La mort est une guitare esseulée / dont il me faudra bien jouer un jour ». Et lorsqu’elle se présentera, « Je veux que l’on me mette / en violoncelle / ma bière aux hanches fines / qui tant chanta contre mon ventre ».
Plus qu’un frère, son violoncelle est son « roi-soleil », dont elle aime « dorloter les cordes ». La musique est son « écharpe de soie frissonnante », sa « fourrure d’étoiles ». « Dix doigts se sont levés très tôt pour caresser le monde ».
Odile Caradec fait volontiers appel à des amis plasticiens pour accompagner sa démarche poétique. Mais c’est avec Claudine Goux, qui illustre la plupart de ses recueils depuis 1981, que la complicité artistique est la plus grande, comme avec « Les moines solaires », où ses poèmes deviennent de merveilleux calligrammes.
Bibliographie
- Nef lune, Traces, 1969.
- Potirons sur le toit, Traces, 1972.
- L’épitaphe évolutive d’un chauve, Fagne, 1972.
- A vélo immortels ! Éditions Saint-Germain des Prés, 1974.
- Le collant intégral, Éditions Saint-Germain des Prés, 1975.
- Le tricorne d’eau douce, chez l’auteur, 1977.
- Reprise des vides, avec des encres de Claudine Goux, Le Verbe et l’Empreinte, 1981.
- Les barbes transparentes, Le dé bleu, 1981.
- La nuit, velours côtelé, dessins de Claudine Goux, Le Nadir, 1988.
- Santal et clavier pourpre, L’Arbre à paroles, 1994.
- Citron rouge, Le dé bleu, 1996 (Prix Charles Vildrac 1996).
- L’âge phosphorescent, Fondamente, 1996.
- Vaches, automobiles, violoncelles, illustrations couleur de Claudine Goux, bilingue français-allemand, traduction de Rüdiger Fischer, Éditions En forêt / Verlag Im Wald, 1996.
- Jusqu’à la garde (Von Oben bis Unten), anthologie bilingue français-allemand, gravures sur bois d’Arthur Pohl, Verlag Thomas Reche, Passau, 1997.
- Chant d’ostéoporose, illustrations de Claudine Goux, Editinter, 2000.
- Bretagne aux étoiles, illustrations de Claudine Goux, La Porte, 2000.
- De création en crémation, illustrations de Claudine Goux, L’Amateur, 2001.
- La poésie au crépuscule, illustrations d’Yves Marissal, La Porte, 2002.
- Silence, volubilis, illustrations de Claudine Goux, Editinter, 2002.
- Les moines solaires, illustrations de Claudine Goux, Editions associatives Clapàs, 2002.
- Le soir dans la cuisine, la poésie, illustrations d’Yves Marissal, La Porte, 2003.
- Cymbales lointaines, illustrations d’Alain Arnéodo, Editinter, 2003.
- Chats, dames, étincelles, illustrations couleur de Claudine Goux, bilingue français- allemand, traduction de Rüdiger Fischer, Éditions En forêt / Verlag Im Wald, 2005.
- Masses tourbillonnantes, monotypes de Pierre de Chevilly, Océanes, 2007.
- En belle terre noire, illustrations couleur de Claudine Goux, bilingue français- allemand, traduction de Rüdiger Fischer, Éditions En forêt / Verlag Im Wald, 2008.
- Le sang, cavalier rouge, Sac à mots édition, 2009.
Odile Caradec a été retenue dans diverses anthologies et histoires de la poésie contemporaine dont :
- La poésie du XXème siècle (tome 3), de Robert Sabatier, Albin Michel, 1988.
- La fête de la vie, Anthologie de poètes français contemporains, traduction par Rüdiger Fischer, Éditions En Forêt / Verlag Im Wald, 1992.
- L’érotisme dans la poésie féminine, de Pierre Béarn, Éditions Pauvert, 1993.
Certains de ses poèmes ont été publiés dans des revues dont L’arbre à paroles, Multiples, Traces, Arpa, Décharge, Voix d’encre, 7 à dire, Poésie 1, Liseron, Friches…
Chant d’ostéoporose
Mon corps, ô ma sœur, a bien mal à sa belle âme
Jules Laforgue
Le train traverse la gare en fracassant l’espace
et moi je serre ce qui me reste d’âme
entre chair et vieil os
Je ne suis plus qu’un vieil oiseau qui nulle part
ne se pose
Un oiseau noir de très sinistre augure
Néanmoins il y a tout au fond de moi une perle
qui vibre
Quelque mineur de fond ira peut-être la chercher
Ce diamant, cette perle, c’est mon poème
pénultième
Si nul ne vient, il se fraiera passage dans les
haies vives de ma chair
Faisant mentir le diagnostic :
Squelette en odeur d’ostéoporose
in Chant d’ostéoporose, © Editinter, 2000, page 79
***
Une substantifique moelle océanique
Est-ce que j’ai dans les os une moelle aussi succulente
que celle du temps jadis,
moelle sur croûton de pain légèrement grillé avec gros sel
non pas le sel de la sagesse mais celui de la vraie vie
qui fait contrepoids à la mort
Oui, j’ai été baptisée avec l’eau et le sel de l’océan
l’océan, en pensée j’y emmène baigner les lourds chevaux
de trait par temps de canicule.
Ah ! ces gros derrières de chevaux de labour,
de percherons magiques !
Leur piaffante entrée dans l’eau océanique !
L’éternité c’est ça !
in Le sang, cavalier rouge , © Édition Sac à mots, 2009, page 65
Contribution de Jacques Décréau
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