Jusqu’au 19 novembre 2011 a lieu au théâtre du Ranelagh à Paris, un festival de certaines des pièces de théâtre de ce poète, romancier et dramaturge.
Il a, par ailleurs, publié en 1993, un livre de souvenirs intitulé Exobiographie qui fournit d’abondants détails sur sa famille et sur sa vie.
Les lignes qui suivent ont été largement inspirées par cet ouvrage.
R. de Obaldia naît donc en 1918 des œuvres d’une parisienne aux yeux bleus et d’un hidalgo Panaméen aux yeux de braise, le senior de Obaldia, consul de Hong Kong et en même temps, tenez-vous bien, de Panama, Argentine, Brésil, Guatemala, Pérou et Portugal.
Cet hidalgo ubiquiste, intelligent mais volage, grand amateur d’alcool, de jeu et de femmes, semble avoir, dès le début de sa lune de miel, multiplié les fugues, au grand désespoir de sa tendre épouse. Et pour comble, la naissance de René, notre poète, paraît avoir déclenché en lui un réflexe de sauve qui peut, avec disparition complète dans la Chine profonde.
L’épouse abandonnée, décide alors de retourner chez sa mère, à Paris, les recherches mollement entreprises par la Police locale ayant complètement échoué.
Afin de chercher du travail, elle place René chez sa grand-mère maternelle, dans la Somme, où il passera le plus clair de son enfance.
Un jour, au cours d’une visite à des parents Dieppois, il va faire la connaissance d’une cousine, belle à damner les saints, Simone Roussel, plus connue sous le pseudonyme de Michèle Morgan. Et raconte-t-il, il regrettera bien, ce jour-là, de ne pouvoir, d’un seul coup, vieillir de plusieurs années.
En 1939, il est mobilisé dans l’infanterie, et en 1945, rendu à la vie civile, il s’installe à Paris dans une minuscule chambre de bonne, et commence à mener la vie du poète impécunieux. Pour faire bouillir la marmite, il devient parolier de chansons populaires, fait de la figuration dans des films, pauvre comme Job, mais riche de jeunesse et de rencontres palpitantes : André Salmon, Henri Rollan, Louis Jouvet, entre autres...
Et voilà qu’un peu plus tard, en 1949, se produit un événement extraordinaire : la résurrection du père, considéré comme mort depuis sa disparition en Chine. René, n’en croyant pas ses yeux, lit dans un journal, que ce père mythique est devenu ministre de l’intérieur du nouveau gouvernement panaméen, récemment mis en place, à la suite d’un coup d’état. Échanges de correspondances, fiévreuses et pleines de curiosité de la part du fils, et de plus en plus espacées de la part du père prodigue. Et puis comme c’est la mode dans ces pays exotiques, le gouvernement est renversé, et le ministre Obaldia jeté en prison. Il décédera quelques temps après sa libération, sans avoir revu sa famille.
Dans les années 1950, R. de Obaldia, collabore à de nombreuses revues littéraires, et en 1952, il publie son premier livre «Les richesses naturelles », recueil de contes et proses poétiques, dont la singularité, mélangeant l’absurde et l’irrationnel à des descriptions du quotidien, attire sur lui l’attention de la critique.
En voici quelques échantillons :
LES AMOURS PASSIONS
Prenez garde, vous qui aimez les chevaux, de ne jamais perdre vos dents.
Car alors on vous pose un râtelier, et les chevaux qui aiment tant nous aimer, les chevaux, le soir, viennent secrètement y manger, et vous ne pouvez résister à cet amour dévorant, et la fièvre en sabots vous galope au-dedans, et le harnais du temps fait place à l’œil humide, à cet œil haletant de chevaux qui nous aiment, et qui trempent leurs ailes jusque dans notre sang ; vous avez beau flatter leurs cols, leurs cols s’allongent indéfiniment, vous tombez de langueur, les chevaux soufflent la mort par leurs naseaux une mort très douce qui vous aime comme vous aimez les chevaux, et vous rendez votre âme parmi les hommes dans un ultime hennissement, parmi les hommes d’autrefois, qui ne sont plus pour vous que des hommes de bois.
FETE NUPTIALE
Nous nous marierons aux petites chaleurs.
L’aube viendra toucher ton épaule nocturne.
Source vêtue de grave nudité, le chant du coq allumera tes voiles.
Il aura plu hier, et de la terre sainte naîtront des jeunes filles au langage de sœurs.
La cloche sonnera. Des mortes bien en chair se presseront dans la petite église, ouverte aux délices du lait.
Le prêtre arrivera quelque peu en retard, âgé de presque deux mille ans. Un enfant portera son genou à la bouche et le mordra jusqu’au sang.
Paix ma colombe. Paix mon très blanc mystère.
Il neigera sur un royaume de ce monde.
Le lys aura vaincu la folie des tombeaux.
Au cours de la décennie 50/60, de Obaldia continue de publier, et devient, grâce à Clara Malraux, secrétaire général du Centre Culturel International, logé dans l’abbaye de Royaumont. Ce Centre, grâce à un original mécénat de son propriétaire, accueillait et brassait de jeunes artistes et intellectuels, avec des sommités de chaque discipline.
C’est dans cette ambiance propice à la création artistique, que le poète va se découvrir une vocation d’homme de théâtre.
Il écrira, à cette époque, une vingtaine de pièces à succès, dont la plus connue s’intitule «Du vent dans les branches de sassafras », avec dans le premier rôle, Michel Simon.
Avec «Innocentines, poèmes pour enfants et quelques adultes » recueil paru en 1969, Obaldia revient à la poésie versifiée, qui, sous couvert de textes en apparence anodins, décrit le petit monde de l’enfance, avec son innocente cruauté.
Depuis cette date, il poursuit une vie riche et féconde, couronnée par l'Académie Française où il a succédé à Julien Green.
Voici quelques morceaux choisis des Innocentines :
BALISTIQUE
Si maman retirait ses boucles d’oreille
Je lui mettrais des boucles de cerises
Des cerises rouges comme le soleil
Des soleils tout rouges sur les oreilles
Quand je reviendrais de l’église
Où j’aurai juré de n’être plus jamais gourmand
Vite, j’irai mordre les cerises
Sur les oreilles de maman.
Et surtout
Quand le monsieur au chapeau mou
Que je n’aime pas du tout
Viendra lui faire de l’œil à maman
Avec sa caisse à boniments
Et rira pour montrer ses dents,
Je prendrai toutes les fois
Les noyaux entre mes doigts
Les noyaux de cerises pleins de sang
Et j’appuierai sans qu’on me voit.
Alors bien retranché dans mon incognito
Ils partiront comme des bombes les noyaux
Et taperont juste dans l’œil
Du monsieur qui fait de l’œil.
GRAND’MERE
Grand-mère
Se courbe toujours vers la terre
Et au début
Je me demandais ce qu’elle avait perdu.
Mais elle n’a rien perdu du tout
Elle a plein de tours polissons
Et si elle plie comme ça les genoux
A les rentrer dans le menton
C’est pour mieux jouer à saute-mouton.
LES JAMBES DE BOIS
Quand on perd une jambe à la guerre
On en met une autre de bois
Car il paraît qu’on a beau faire
Les jambes ne repoussent pas.
Mais peut-on me dire pourquoi
Il ne pousse pas de feuilles sur les jambes de bois ?
Des feuilles toutes vertes
Avec des tas d’insectes
Des feuilles toutes belles
Où les papillons viendraient réparer leurs ailes…
Le soleil voudrait se mettre de la partie
Il pourrait y grimper des fruits
Et ça serait tout de même chic
D’avoir sur soi des poires
Qu’on prendrait sans histoires
Des pommes des prunes et des petits pois chiches !
Si tous les hommes avaient une jambe de bois
Qu’on arroserait bien tous les jours qu’il ne pleut pas
Ça f’rait une forêt qui n’en finirait pas.
Bibliographie sélective
Romans
- Tamerlan des cœurs, Plon 1955
- Le Centenaire, Grasset
-
La passion d’Émile, Balland
Poésie
-
Les richesses naturelles, Grasset 1971
Théâtre
-
Entre autres, Genousie, Le satyre de la Villette, Le cosmonaute agricole, Du vent dans les branches de Sassafras.
-
Son théâtre complet vient d’être réédité chez Grasset.
Biographie
-
Exobiographie, Grasset 1993
Contribution de Jean Gédéon
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