(…) Lire ou écrire un poème, c'est s'absenter des masques de soi, retourner au premier cri du premier souffle qui nous jeta, déchirés , des forges de la galaxie ici sur cette terre, et retrouver l'éternel instant de l'éternel début (…) – Werner Lambersy, 2004
GRAND BEAU
Jamais
lumière plus transparente
élémentaire et neuve
Selle mieux frottée
que ces pentes lointaines
Harnais mieux rivetés
que ces crêtes en cuir
Jamais
ciel plus irrémédiablement
dur
Rochers plus secs que l'air
cristallin de ce soir
Que le sel de ces laisses
d'étoiles
comme de vieilles sueurs
sur des velours côtelés
Ou ces coteaux en terrasses
sur le vêtement lourd
des vignes
et des grands châtaigniers
Jamais espace plus offert
à l'âme
hauteur plus exemplaire
pour se perdre
Dévoilement
plus dérangeant et pur
des puits nocturnes
Des craquelures vernies
de l'azur
Et de la terre à potier
de nos poitrines
Jamais regard
ne fut laissé autant
à l'égarée poursuite de soi
Jamais
plus forte violence
plus juste effraction
de visible par l'évidence
Électrolyse des lignes
paysage à la feuille d'or
Jamais
souffle plus clair
aux pieds de chèvres
plus agiles
Jamais
flûte plus tremblée
dans les confins
infinis plus improbables
pour la parole
Lents mouvements
de glotte pour la soif
au long cou féminin de
ce jour
Et ce sanglot angoissé
de joie
qui prend aux épaules
et secoue
la montagne la plus rude
Jamais silence plus serein
parce que c'est trop
de n'avoir à porter
sans autre obstacle
Qu'un passage invisible
vers un mystère vide
Dernière raideur de nuque
à tant lever le poids
des yeux
si haut si loin
Et cette envie de danser
en pleurant
sur l'obscur remuement
où nous sommes
1979.
Ed. Les Petits Classiques
du grand pirate, 1991.
In L'éternité est un battement de cils, Anthologie personnelle, © Actes Sud, 2004, p.15
Contribution de PPierre Kobel
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