Charles Dobzynski naît en 1929 à Varsovie d'où émigre sa famille quand il est petit enfant pour la France. Lecteur avide dès le plus jeune âge – il défend encore la lecture comme un élément constitutif essentiel de la culture – il traverse la guerre en vivant les difficultés liées à sa situation et ses origines puis reprend l'entreprise paternelle à la disparition de son père en 1946. Après une première publication dès 1944, c'est à la fin des années 40 que débute véritablement sa double « carrière » de poète et de journaliste sous l'égide conjointe de Paul Éluard dont il sera l'ami et de Aragon qui le fait entrer au journal Le Soir. Il y exercera entre autres, ses talents de chroniqueur de cinéma sous le nom de Michel Capdenac. Ses autres passions de toujours sont l'astronautique et la science-fiction.
Devenu membre de la rédaction de la revue Europe en 1972, il en est aujourd'hui un des deux directeurs avec Jean-Baptiste Para comme il fut un des responsables du regretté Aujourd'hui poème.
Homme de convictions et d'engagements, Charles Dobzynski n'a jamais renoncé à cette double vocation d'auteur et de passeur, vocation qu'il exerce encore aujourd'hui en publiant de multiples ouvrages qui expriment la diversité de ses intérêts, la poésie restant toujours l'axe central de sa pensée et de son rapport à la création.
Journaliste, romancier, traducteur, il est aussi l'auteur d'une incontournable Anthologie de la poésie yiddish, Le Miroir d’un peuple, parue dès 1971 et désormais disponible en Poésie/Gallimard. Il y écrit en introduction : « Je viens d'un océan qui n'a pas de limites. Qui a pris profondeur de la fonte des siècles, de la mémoire, sans fin recommencée, des épreuves et des espérances. Un océan qui a pour sel le temps lui-même par quoi se forme l'identité d'un peuple à son langage, la longue expérience de vivre et de mourir avec des mots qui sont votre mère et votre pain, votre refuge et votre salut, trace dans le désert que nul vent ne peut effacer. »
Il traite de nouveau de cette judéité retrouvée dans le récent Je est un juif, roman, roman poétique où il assume ses racines sans jamais en devenir prisonnier. On y lit l'affirmation d'une culture fondatrice, le déroulé d'une histoire difficile, dans une langue où le lyrisme et la conviction sont toujours mêlés d'interrogations et de méditations, où la tendresse et la sensualité ne sont jamais loin, puisés au creuset d'une humanité sensible et d'une curiosité large et multiple.
Sans autel, sans tabernacle
Amant juif et femme chrétienne
l'entrelacs des années
nous imbrique quoi qu'il advienne.
Que soient abolies les barrières
des disparités mais jamais
on ne fera machine arrière.
Le désir est la violence,
don initiatique des corps,
celui qui brise les balances.
La moindre caresse apparente
nos corps au règne des coraux
moitié animal, moitié plante.
Alors nous inventons les clones
des paysages renversés
que perçoit l'œil de nos cyclones.
Amour juif mot simulacre
détour par dédoublement
et faux mimétisme du sacre.
Lui seul l'amour nous régénère
sur l'autre versant de Dieu
qu'on le nie ou qu' on le vénère.
Amour mixte double miracle
sans autre recours
sans autel et sans tabernacle.
En rien le nôtre ne diffère
des amours entés
des fruits du verger de l'enfer.
Juif n'est pas cela qui t'importe
de moi lorsque chaque nuit
s'ouvre à nos mains la même porte.
Que dans ton enfance la messe
ait ponctué ton credo
en rien n'a tari nos promesses.
Ce que l'un de nos corps éprouve
sans transit divin
dans le corps second se retrouve.
C'est en nos désirs que commence
le seul littoral
qui nous rende la vie immense.
Nous avons franchi les frontières
du rêve exilé
et pour chacun sa part entière
en l'autre ensilée.
In Je est un juif, roman - © Orizons, 2011, p.127
S'il rend à ceux qui l'ont nourri de leurs œuvres ce qu'il leur doit dans Un four à brûler le réel, suite de portraits amicaux de poètes dont un premier tome vient de paraître en attendant un second, Charles Dobzynski n'en reste pas moins attentif au travail des plus jeunes qu'il sait encourager avec générosité. Nous ne pouvons que partager son opinion quand il écrit : « La poésie n'a jamais été à mes yeux un phénomène abstrait, une religion intellectuelle, une sorte de rucher d'où l'on pourrait extraire le miel de certains concepts. Ce qui m'a passionné, m'a guidé, m'a conduit à composer cet ouvrage, c'est la poésie telle qu'elle se vit, telle qu'elle se lit, telle qu'elle se publie (…) »
L'infini
Qu'est-ce qu'un corps sans séduction
sinon ce que révèle
une âme sans adduction ?
Quelque part en lui Dieu le sait
persiste un œil-de-bœuf
une embrasure à double branche
qui lui permet d'observer l'au-dedans
de survoler en deltaplane
les collines de l'inconscient
de faire signe au remuement obscur
À l'état de fatalité se substitue
l'état de solidarité
les choses viennent à la rescousse
des opérés de l'ombre
dont la blessure ouverte attend
une improbable cicatrice
peut-être une nappe phréatique
de songes non repérés
La chrysalide qui retient le fil de soie
inusable
des commencements et des fins.
In Corps à réinventer - © Clepsydre/ La Différence, 2005, p.129
Info-poésie
Dans le cadre du Printemps des Poètes
et de Poètes en scènes
Charles Dobzynski
est l'invité d'honneur d'une rencontre lecture
le samedi 24 mars 2012 à 17 h 30
Théâtre de Saint-Maur
20, rue de la Liberté
94100 Saint-Maur-des-Fossés
Tél. : 01 48 89 22 11
Bibliographie
- Bibliographie complète dans l'article Wikipedia
Internet
- Charles Dobzynski invité de Ça rime à quoi sur France Culture
- Un entretien sur Fréquence Paris Plurielle
- Un portrait sur le site des librairies Mille pages
- Voir et entendre Charles Dobzynski sur enviedecrire.com
Contribution de PPierre Kobel
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