Andrée Chedid
Enfant de nos guerres
D'un cœur plus sec que le grain brûlé
Je t'ai donné un visage d'homme
Les cendres de son sourire
Et l'oubli de tes jeux
Enfant à l’œil lucide
Qui porte le fardeau d'un corps toujours trop neuf
Enfant de nos guerres
Au fond de ta poitrine j'ai mis un oiseau mort.
In Textes pour un poème 1949-1970 © Flammarion 1987 p.35
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Rosemay Nivard
Recoudre le chemin de l'enfance
En tirant fil à fil le tissu
des serviettes sur le fil des retours de plage
je tricoterai vos doigts ensemble
pour me faire croire à la joie du foyer
où converge le regard de l'homme des lieux
à la silhouette plongée sur les carrys du soir
Je jetterai mes scories une à une de mes
poches de Grimm
quitte à m'entailler les chairs
Et telle l'achatine qui laisse sa bave luisante
sur le sillon du jardin
je brillerai des larmes de joie
à recréer un amour
de l'affadi, l'effiloché
le grinçant simulacre de vie
de ces effluves d'amas d'humidité
Poème inédit, In Enfances, © Bruno Doucey, 2012, p.116
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Robert Desnos
L’oiseau du Colorado
L’oiseau du Colorado
Mange du miel et des gâteaux
Du chocolat des mandarines
Des dragées des nougatines
Des framboises des roudoudous
De la glace et du caramel mou.
L’oiseau du Colorado
Boit du champagne et du sirop
Suc de fraise et lait d’autruche
Jus d’ananas glacé en cruche
Sang de pêche et navet
Whisky menthe et café.
L’oiseau du Colorado
Dans un grand lit fait un petit dodo
Puis il s’envole dans les nuages
Pour regarder les images
Et jouer un bon moment
Avec la pluie et le bon temps.
In La ménagerie de Tristan
Contribution de PPierre Kobel
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