Encore.
Ses poèmes en construction ne cessent : des vers comme des briques ou des figures emboîtées. Geste d’écrire repoussant le silence : disparaître n’est pas une fin.
Il nous faut lire Thierry Metz – ne cesser jamais. Reprendre le fil d’une écriture où se matérialise la construction. Poète, par don.
Thierry Metz naît à Paris le 10 juin 1956. Il met fin à ses jours le 16 avril 1997. Sa vie nous laisse des poèmes, adjonction lumineuse et forte au silence, tout autour.
Jean Cussat-Blanc soutint et encouragea Thierry Metz à ses débuts et le publia à de multiples reprises dans sa revue, Résurrection. Son premier éditeur fut Jacques Brémond – lorsque le poète obtint le Prix Voronca pour Sur la table inventée, en 1988. Il le publia ensuite plusieurs fois et s’apprête à rééditer Entre l’eau et la feuille (précédemment chez Arfuyen). Les éditions Pleine Page, à Bordeaux, l’ont également publié de son vivant. Jean Grosjean représenta un soutien précieux qui permit à Thierry Metz d’être édité par L’Arpenteur (Gallimard).
Le poète demeurait alors avec sa femme, Françoise, la Bien-Aimée, près d’Agen, avec leurs trois fils. C’est là qu’ils perdirent Vincent, renversé par un chauffard, en 1988. L’irréparable affleure, la perte et le silence se répondent dans les vers réduits et denses du poète. Il faut les relire pour être confronté à cette douleur mais aussi à la chaleur de l’âtre, celle de la Bien-Aimée, rassemblant les éléments d’un équilibre précaire.
Les Deux-Siciles, maison d’édition dirigée par Daniel Martinez – animateur également de la revue Diérèse, qui a accordé un entretien à La Pierre et le Sel le 25 novembre – ont publié fin 2011, Carnet d’Orphée et Autres Poèmes. Le corps du livre est constitué de ce Carnet que Diérèse (numéro 52-53) avait publié au printemps en fac-similé. D’autres poèmes l’accompagnent et l’éclairent : dans tous, il est question de disparition et de chemin parcouru. L’interrogation sur des retrouvailles impossibles les parcourt.
Orphée dans la Marne, avec de plus en plus de choses, avec de moins en moins d'êtres, séparé non par ce qu'on a mais par ce qu'on est.
L'Orphée de tous ces instants, en recherche, en quête... qui n'a peut-être plus envie de se retourner. L'ayant devant lui, le visage qui s'efface.
Aller, c'est aller avec la mère. C'est l'approcher autant de la voix que du corps.
Mais son fils est mort et je dois aller.
Pourquoi cette autre noce ?
Trop certaine aura été cette langue qui n'est, peut-être, que le prototype d'une autre.
Mais il y a heureusement aussi ce qui en exprime l'œuvre. Et c'est cette condition qui permet d'aller et, peut-être, de revenir.
Je n'emporte rien puisque tout tient dans l'intime et immense espace du regard.
Des instants de ciel sans les pas.
In Carnet d’Orphée et Autres Poèmes, © Les Deux-Siciles
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La journée la plus simple : les gosses, la maison, toi.
Je n’ai que ces mots.
Quelques graines.
Et l’oiseau qui n’arrête pas.
Comment ne pas être ?
In Le Journal d’un manœuvre, © L’Arpenteur
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Ce pas est le mien
de lier sans attacher
l’être dont je suis la trame
la couture qu’il faut faire et défaire
ne sachant pas ce qui est commencé
ce qui est fini
sinon qu’il y a cercle
et carré.
In De l’un à l’autre, © Jacques Brémond
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Je te regarde pendant que tu lis. Seule, assise, sans voir que je suis nu derrière ce que tu fais. J’ai l’audace du rouge-gorge sur le manche d’un outil. Je m’approche au plus près jusqu’à me poser sur ton épaule. Ta main me rejoint. Tu me regardes. Nous parlons des enfants, d’un livre ou d’un film, de quelques événements.
Le soir, si je peux, je t’écris un poème qui nous sert de caisse ou de tiroir. Dedans il n’y a que des ruisseaux, un chemin où quelqu’un se promène.
In Lettres à la Bien-Aimée, © l’Arpenteur
Œuvres de Thierry Metz
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Sur la table inventée, © Jacques Brémond, 1989
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Le journal d’un manœuvre, © Gallimard, 1990
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Entre l’eau et la feuille, © Arfuyen, 1991 – rééd. à paraître chez Jacques Brémond
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Lettres à la bien-aimée, © Gallimard, 1995
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Le drap déplié, © L’Arrière-Pays, 1995
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Dans les branches, © Opales, 1995
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De l’un à l’autre, © Jacques Brémond, 1996
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L’homme qui penche, © Opales/Pleine page, 1997
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Terre,© Opales/Pleine page, 1997
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Dialogue avec Suso, © Opales/Pleine page, 1999
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Sur un poème de Paul Celan, © Jacques Brémond, 1999
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Dolmen suivi de La demeure phréatique, © Jacques Brémond, 2001
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Tout ce pourquoi est de sel, © Pleine page, 2008
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Carnet d’Orphée et Autres Poèmes , © Les Deux-Siciles, 2011, préface d’Isabelle Lévesque, encres de Jean-Claude Pirotte
Thierry Metz sur internet
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Un article sur Wikipedia:
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Sur le site de Pierre Kobel, pknet
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Sur le blog d’Angèle Paoli, Terres de femmes
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Sur Terre à ciel
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Sur le site Esprits Nomades
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Sur remue.net
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Un article du Matricule des anges
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Un article de Jérôme Garcin dans Le Nouvel Observateur
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Pour commander Diérèse n°52-53 (15 € + port 3 € = 18 €) ou Carnet d’Orphée et Autres Poèmes (12 € + port 2,40 € = 14,40 €), règlement par chèque à l’ordre de Daniel MARTINEZ – 8, avenue Hoche – 77330 OZOIR-LA-FERRIÈRE)
Contribution de Isabelle Lévesque
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