Le stand 604 Diérèse et Les Deux-Siciles ont cette année fait peau neuve en présentant les nouveautés : le dernier-né de la revue qui, pour son 56 e numéro, exposait le second tome de la revue consacré à Thierry Metz, ainsi que Ossature du silence, d’Isabelle Lévesque, qui a co-dirigé avec Daniel Martinez les deux numéros dédiés à l’auteur du Journal d’un manœuvre, l’un et l’autre parus à tout juste un an d’intervalle, fruit de deux bonnes années de travail. Plusieurs autres titres que le lecteur attentif pourra découvrir sur le site, parmi les 38 recueils parus aux éditions Les Deux-Siciles..
… Journées fructueuses que celles de ce trentième Marché de la Poésie, où les rencontres avec d’autres poètes, éditeurs furent nombreuses, en voici quelques photos, prises sur le vif, qui rendent compte de ce souffle propre à cette manifestation. Le stand en gros plan, d’abord, qui a bien résisté, malgré les assauts intermittents de la pluie (une fois n’est pas coutume). Souhaitons-nous l’année prochaine un temps plus clément. Puis, sur la deuxième, Françoise Metz, la « Bien-Aimée » de Thierry, qui nous a fait l’honneur de sa présence, en compagnie d’Isabelle Lévesque, à la gauche de Pierre Dhainaut sur la troisième photo, et à la droite de Daniel Martinez.
À quelques jours de l’été, avec un soleil qui perce en filigrane, où vont les minutes transparentes. Ici, là, pour rêver un peu aussi, ne se nourrir que de moments de bonheur !
Contribution de Daniel Martinez
&&&&&&&
En dehors des sites spécialisés et de quelques blogs littéraires, alors que cette année est celle du trentième anniversaire de la manifestation, le Marché de la Poésie n'aura, une fois de plus pas trouvé beaucoup d'échos dans les grands médias qui n'ont cure de cet art littéraire marginal, sans économie donc sans intérêt, et désuet à l'entendement de beaucoup qui ne perçoivent la création qu'à l'aune de l'image provocante, d'un commerce inflationniste et d'une littérature romanesque pour têtes de gondoles ou de documentaires alléchants qui mêlent politique et people. Le tout épicé d'un peu de sexe et de scandale pour espérer mieux se vendre.
Que peut opposer la poésie à cela ? Des éditeurs continuent de prendre le risque de publier des recueils, de « faire des livres pour des gens qui vont aimer la poésie mais qui ne le savent pas encore » ainsi qu'aime le dire Bruno Doucey, passeur charismatique, de transmettre la parole d'autres langues, d'autres cultures comme Stéphane Chaumet et Myriam Montoya avec l'Oreille du Loup, de marier les mots et les arts plastiques comme le fait Michel Foissier avec Propos 2 éditions.
Des revuistes composent avec des moyens parfois les plus réduits et la seule énergie de quelques personnes, voire d'une seule, des numéros pleins d'enthousiasme pour l’œuvre de ceux qu'ils aiment, qu'ils découvrent et persévèrent à faire connaître. Nommons Jacques Morin et Décharge, Jean-Pierre Lesieur et Comme en poésie pour l'exemple.
Des manifestations dédiées en partie ou totalement à la poésie s'organisent régulièrement en province et réunissent des lecteurs fervents. Ainsi durant cet été le festival de Lodève ou celui de Sète pour ne citer qu'eux.
Des blogs se multiplient sur Internet qui est devenu un véritable outil de diffusion de la poésie. Les publications de Florence Trocmé avec Poezibao, de Michel Baglin avec Texture, de Nathalie Riera avec les Carnets d'Eucharis, de Angèle Paoli avec Terre de femmes - et là encore je n'en cite que quelques unes parmi bien d'autres qui méritent considération et intérêt - apportent chaque semaine, parfois quotidiennement leur lot d'informations, de chroniques, de mises en exergue et d'éclairages positifs qui prouvent à ceux qui en auraient besoin, l'importance et la place de la poésie dans notre existence, au-delà des crises économiques, des fractures sociales et du stress quotidien.
Évidemment, au départ et au centre de cela, il y a les poètes et la nécessité impérieuse, incontournable, vitale, d'écrire. De la solitude du poète naît cette résistance créatrice à un monde qu'il fuit parfois mais qui ne saurait se construire sans lui. C'est une conviction, si utopique puisse-t-elle paraître, et dont on sait qu'elle est partagée.
Je voudrais là, et dans la suite de ce que je viens d'écrire, rejoindre les propos de Daniel Martinez. Car le travail que lui et Isabelle Lévesque ont accompli pour Thierry Metz depuis deux ans et la réalisation des deux numéros de Diérèse qu'ils lui ont consacré, sont le témoignage de ce que j'ai énoncé. Thierry Metz a d'abord existé par l'écriture et les mots qui se sont imposés à lui sans qu'il sache comment cela avait commencé. La reconnaissance et la diffusion première de ses textes sont dues à une revue, Résurrection, et à son fondateur-animateur, Jean Cussat-Blanc, qui s'est profondément engagé pour cette œuvre, dans l'immédiateté, dans la ferveur. L'étape suivante fut la réception que Thierry reçut de la part des éditeurs. L'Arpenteur certes, sous la gouverne de Gallimard, mais auparavant déjà Jacques Brémond pour une première publication, puis plus tard d'autres tels Arfuyen, Opales, Pleine Page, Brémond encore, toutes structures qui tiennent à la passion d'une équipe réduite, qui s'engagent sans compter que ce soit en termes de temps, d'argent ou d'énergie. Enfin aujourd'hui la poésie de Thierry Metz trouve encore des échos parce que la revue Diérèse publie ces deux riches opus, - presque 600 pages !-, sans que ses acteurs n'aient jamais rencontré Thierry comme c'est le cas de beaucoup d'entre nous qui sommes de ses lecteurs les plus fidèles. Il en est ainsi parce qu'il y a, à le lire, une évidence de son écriture.
Si l'itinéraire de Thierry Metz et la diffusion de son œuvre sont emblématiques ce que j'écrivais plus haut, c'est de prime abord parce qu'il y a cette présence qui impose au lecteur une adhésion, qui le conduit, consciemment ou pas, à des questionnements personnels quant à la difficulté d'exister. L'éditeur Didier Peritz dit dans un documentaire consacré à Thierry, qu'il a réussi à construire une œuvre mais pas une vie. C'est un renvoi à nos propres difficultés dont cette œuvre se fait l'écho.
Personnage lumineux malgré les tourments qui l'habitaient, mêlant la force de son corps, de ses mains puissantes au gracile de son écriture. Une écriture dont l'économie est toute de justesse et d'équilibre jusque dans sa fragilité, jusque dans les interrogations où le geste le plus simple se commue en réflexion métaphysique.
Qu'il dialogue avec Suso ou tienne le journal des travaux d'un chantier, des gestes ouvriers, qu'il médite sur des matières, des éléments de nature ou s'adresse à la femme aimée, il donne aux mots l'impact serein d'une réflexion incontournable, il porte le quotidien et l'humble aux cintres de l'universel.
Emblématique oui car lire Thierry Metz c'est ne jamais en revenir. L'expérience est concrète, physique. Les témoignages dans les numéros de Diérèse, les échanges sur le stand du Marché de la Poésie l'attestent. Qu'ils aient physiquement rencontré Thierry ou non, les poètes restent marqués de cette rencontre. C'est une imprégnation durable que celle de cette parole qui, à la mesure d'une existence, grandit notre présence au monde, dans l'alliance d'un infiniment petit, humble et solidaire, et du souffle d'un prophète sensible et meurtri.
Sites internet des acteurs cités
Voir les autres adresses dans les liens du site.
-
Voir sur la Pierre et le Sel les articles sur le Diérèse 56 et le Carnet d'Orphée
Contribution de PPierre Kobel
Commentaires