Gabriel Audisio est né à Marseille le 27 juillet 1900 et est décédé le 26 janvier 1978 à Issy-les-Moulineaux. Ecrivain et Poète, fils de Victor Audisio, piémontais, qui fût directeur de l’opéra d’Alger et de l’opéra de Marseille, il est de 1921 à 1922 rédacteur au gouvernement général d’Algérie. Il mène une carrière administrative et littéraire. Il prit figure de chef de file de « l’école d’Alger » dont l’influence reste encore aujourd’hui considérable auprès des écrivains algériens contemporains. Il sera également proche de l’école de Rochefort. Rapidement il est en relation avec Henri Bosco qui dirige à Rabat la revue Aguedal. Devant l’épreuve de la guerre, qu’il vit en 1914 puis en 1939, il fait le choix de la résistance et voit dans la poésie un signe d’espérance. Prisonnier, il récite pour ses compagnons de cellule à Fresnes des poèmes et voit comme une révélation l’une des grandes vertus de la poésie, celle de mettre du baume aux plaies de la détresse humaine.
Jules Roy s’exprime en ces termes :
« Audisio, Audisio, notre père à tous… même si nous te dénions ce titre de père, nous sommes tous tes fils, légitimes ou non, même Kateb Yacine, même Amrouche, même Bourboune, ne parlons pas de Camus notre immortel, les plus jeunes et les plus vieux, poètes ou non poètes, natifs de la Mitidja, de l’Oranie ou du Constantinois, tous tes fils plus ou moins adultérins. Au point que parfois on s’y perd. Ton royaume à toi n’est pas le sang, ni toutes nos sales histoires de famille, mais la brûlure du soleil et la cuirasse éblouissante de la mer, salut, pater noster Audisio ! ».
Il est aussi l’ami intime de Louis Brauquier, écrivain et poète. Ils se sont connus au lycée Thiers et une belle amitié est née sur l’idée de cette ville. Par la suite, sur des choix spirituels, à certains moments, ils ont divergé. Mais sur l’essentiel leur amitié n’a jamais failli. L’échange de lettres entre Brauquier et Audisio en témoigne. Elles ont été éditées, mais aujourd’hui elles sont pratiquement introuvables. Toutes ces lettres où ils ne cessaient de s’interroger sur ce qu’était Marseille, la Méditerranée, et en même temps sur leur amitié puisqu’elle se situe au milieu de cette mer. Les dernières années, Audisio et son épouse vinrent partager les toutes dernières soirées dans la maison familiale à Saint-Mitre les Remparts. Quand Brauquier disparut en automne 1976, Audisio venait justement d’arriver à Paris pour retrouver son ami d’enfance.
Au
pied du lit
Quel souffle dérisoire
Pour imiter par
appareil
Le respirant du temps passé
Quelles veines
fallacieuses
Ecoulant un sang d'ailleurs
Dans un cœur sans
destin !
De la survie au survivant
Du rescapé à
l'englouti
Rien qui brise le flux
Rien pour naufrager la
mémoire
Fraternité
La vécue jamais morte
Extrait
de De
ma nature
****
Sôma
Cet
autre dans le miroir
Et le même dans la chair
S'il ne parle il
se répond
Tacite il s'écoute encore
Depuis le premier os
soudé en tête
Jusqu'aux images vivant dans les replis
Le sang
toujours en route
Il ne sait pas quel mur pour l'arrêter
Le
poignet métronome du temps
Il connait le bruit du pied qui
trébuche au caillou
Cette oreille dans son absence
Attentive
au regard.
Sôma
Parlant à son reflet dans le miroir
Ce
corps
Et il regarde et il écoute et il attend
Le secret
renvoyé par le double :
Jusqu'où le sang qui
court
Jusqu'où la veine horlogère
Et il
attend
Patience
La réponse qui ne viendra pas.
Extrait de : De ma nature
Par-delà les différences et les divergences existant depuis des siècles, il a souhaité voir s'unir ce qu'il appelait L'Orient et l'Occident, mais c'était avant tout dans ce qui était l'Afrique du Nord qu'il a entretenu ce projet d'unité. Il se voulait le rassembleur de toutes les cultures et de toutes les nationalités du bassin méditerranéen.La force de l'Algérie, de la Tunisie et du Maroc résidait, selon Gabriel Audisio, dans la diversité des cultures, des religions, les va-et-vient successifs de peuplements que ces pays avaient connus depuis toujours.
Dans le Sel de la mer Audisio écrit encore : “Identifier le fait latin avec le fait méditerranéen, je dis donc que c’est une confusion grave, je la dénonce. Je ne cesserai pas de distinguer la Rome provisoire de l’éternelle Méditerranée. De dire que Rome ne fut qu’un moment de la Méditerranée. D’opposer, à la Pietà de Rome et son sac à dos, les matelots d’Ulysse et leur barda, à la latinité terrienne, dure et conservatrice, l’universalité mouvante et vivante de la mer.”
Par ailleurs, Gabriel Audisio a écrit des romans, des récits, des nouvelles et des essais dont Ulysse ou l'intelligence chez Gallimard en 1946 et Misère de notre poésie, chez Seghers en 1943.
Peau neuve
Tous
les ans la saison et toujours sa couleur
Sa forme son parfum,
Qui
pourra nous guérir des matins similaires
Qui jamais ne font qu’un
?
Je voudrais pouvoir dire
Que le printemps est bleu de
cristaux déposés
Sur l’herbe du corail qui rentre sous la
terre.
Je voudrais que l’hiver suspende des lianes
Aux
arbres, que les singes
S’y mordent échauffés par la rougeur
des neiges.
Il faudrait que l’été presse l’eau des
étoiles
Que tout jardin devînt non pas un nid de feuilles
Mais
descente et cascade
Du jus noir expulsé par le ventre des
poulpes.
Et surtout qu’à l’automne arrive un vent
d’argent,
Un bain galvanisé par ce métal très blanc :
La
scintillante aurore
Des armures de la jeunesse, au vol du
temps
Perdues s’entrechoquant.
Si la saison faisait peau
neuve tous les ans
Alors on guérirait de n’avoir pas changé.
extrait de C'était hier, et c'est demain, éd. Seghers, 2004
Ill. : Gabriel Audisio en 1939 à Marseille ; Une signature faite par Camus à Alger. A gauche, debout, Jules Roy et et à côté de lui Gabriel Audisio ; A gauche, Gabriel Audisio, Louis Brauquier à droite et Henri Bosco assis.
Œuvres en poésie
-
Hommes au soleil, © Editions du Mouton Blanc, 1923.
-
Poèmes de la joie, © Edition du solitaire, 1924.
-
Antée, © Cahiers du Sud, 1932.
-
La Cage ouverte, © Charlot, 1938.
-
Blessures, © Fontaine, 1940.
-
Poèmes du lustre noir, © Robert Laffont, 1941.
-
Rapsodie de l'amour terrestre, © Rougerie, 1949.
-
Danger de vie, © Rougerie, 1953.
-
Canaille, © Rougerie, 1953.
-
Le Zodiaque fabuleux, © Rougerie, 1957.
-
Fables, © Belfond, 1966.
-
Racines de tout, © Rougerie, 1975.
-
De ma nature, © Rougerie, 1978.
Internet
-
Un article Wikipedia
Contribution de Laurence Bouvet
Commentaires