L'HOMME AGONIQUE
Jamais
je n'ai fermé les yeux
malgré les vertiges sucrés des
euphories
même quand mes yeux sentaient le roussi
ou en butte
aux rafales montantes des chagrins
Car je trempe jusqu'à la
moelle des os
jusqu'aux états d'osmose incandescents
dans la
plus noire transparence de nos sommeils
Tapi au fond de moi
tel le fin renard
alors je me résorbe enjeux, je mime et
parade
ma vérité, le mal d'amour, et douleurs et joies
Et
je m'écris sous la loi d'émeute
je veux saigner sur vous par
toute l'affection
j'écris, j'écris, à faire un fou de moi
à
me faire le fou du roi de chacun
volontaire aux enchères de la
dérision
mon rire en volées de grelots par vos têtes
en
chavirées de pluie dans vos jambes
Mais je ne peux me
déprendre du conglomérat
je suis le rouge-gorge de la forge
le
mégot de survie, l'homme agonique
Un
jour de grande détresse à son comble
je franchirai les tonnerres
des désespoirs
je déposerai ma tête exsangue sur un meuble
ma
tête grenade et déflagration
sans plus de vue je continuerai,
j'irai
vers ma mort peuplée de rumeurs et d'éboulis
je
retrouverai ma nue propriété
In L'homme rapaillé, © Poésie / Gallimard, 1999, p.83
Bibliographie
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Pierre Nepveu Gaston Miron, la vie d'un homme – Boréal, 2012
Contribution de PPierre Kobel
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