Les éditions Bruno Doucey sonnent l'alarme. Loin d'un réel printemps, la société tunisienne subit de plus en plus les effets de l'obscurantisme religieux. Loin d'une véritable démocratie qui ose prendre les risques de l'opposition et de la contradiction, qui tolère et s'enrichit des différences, des partis extrémistes imposent la pensée unique, la foi aveugle et confondent l'État et la religion.
Ce n'est pas un point de vue occidental que de l'écrire quand le poète Moncef Ouhaibi est sujet à des pressions grandissantes qui vont jusqu'à des menaces d'élimination physique. Un communiqué de presse a été lancé que des médias ont déjà repris.
Cet épisode s'ajoute à d'autres, ailleurs dans le monde, qui ont vu des poètes être victimes des pouvoirs. Pouvoirs politiques quand ils font se taire la voix des écrivains. On pense cela aux fortes présomptions d'assassinat de Neruda que les analyses en cours révèlent. Pouvoirs de leurs sbires qui agressent des auteurs exilés. Mais aussi pouvoir domestique quand un mari tue sa femme parce qu'elle écrit de la poésie comme ce fut le cas de Nadia Anjuman en Afghanistan, en 2005.
Cette actualité, ces quelques rappels montrent, s'il en est besoin, la force de la poésie.
Oui, la poésie est une arme. À l'heure où se tient à Paris, place Saint-Sulpice, le 31e Marché de la Poésie, il faut le réaffirmer. Arme de paix certes, mais arme d'insoumission, de dénonciation, de revendications, de tolérance, de construction d'un réel aux yeux ouverts et à l'esprit libre.
À Tunis comme ailleurs, la parole de Moncef Ouhaibi est menacée par ce que la poésie est un danger pour la tyrannie sous toutes ses formes.
Puisse-t-elle encore être le creuset ou se forge l'équilibre du monde et l'entrelacs des voies multiples.
Bibliographie partielle
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Moncef Ouhaibi, Que toute chose se taise, © Bruno Doucey, 2012
Internet
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La page des éditions Bruno Doucey
Contribution de PPierre Kobel
Bonjour,
Je ne pense pas que la poésie est à proprement parler une arme. Je dirais plutôt un acte de révolte. Une prise de conscience de la gravité de l'obscurantisme et la folie de certains hommes, qui font de la société dont ils sont par principe, les serviteurs, leur champs de bataille. Le poète est un sensible qui souffre à la moindre alerte et, certes, il se doit de réagir en conséquence. Mais n'oublions pas que la poésie est autre chose: un monde intime, un monde d'expérience, de recherche, d'abandon, de synthèse. Un monde à part, qui vous prend à témoin, et vous n'avez que quelques armes possibles : résister, dénoncer, déclamer, accuser, s'en souvenir d'une manière indélébile. L'écrire dans le marbre au seuil de toute humanité. La poésie est ce feu qui illumine les passions de l'homme, dont la vie de ses semblables. Prenons donc acte.
Rédigé par : Pierre Scanzano | 08 juin 2013 à 08:08